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SULLY PRUDHOMME. psychologie du libre arbitre.

à celui de la vie physiologique par ce pronom possessif et ce pronom personnel, mais le principe, quel qu’il soit, de l’unité physiologique est dans une certaine mesure subordonné à celui de l’unité psychique même aux yeux des partisans de la distinction foncière de ces deux principes.

La personne est synonyme du moi. C’est plus spécialement l’unité synthétique des données psychiques constitutives du moi. Cette unité, en tant que synthétique, n’est pas nécessairement indivisible ; on constate, en effet, des dédoublements de la personnalité (cas classique de Félida et beaucoup d’autres reconnus postérieurement à celui-là). La personne humaine serait donc comparable à la synthèse mécanique appelée résultante, dont les facteurs, les composantes se manifestent dans une unité qui les implique toutes sans que l’intégrité de chacune y soit altérée par le concours des autres, de sorte que cette unité se conçoit décomposable en de nouvelles unités, synthèses de telles ou telles des décomposantes.

Le moi ne saurait se définir tout entier au moyen des seules données que fournit la conscience : il dépasse le champ de celle-ci. Elle n’atteint pas, en effet, l’être du moi, le substratum psychique, et n’en éclaire pas non plus toutes les modifications, ni tous les actes ; un certain nombre en demeurent toujours inconscients. Les autres variations psychiques sont susceptibles de passer de l’état inconscient à l’état conscient et réciproquement du second au premier. Dans ce dernier cas elles affectent, sous le nom de souvenirs latents, une nouvelle forme, et le retour à l’état conscient par la réminiscence transforme ceux-ci à leur tour en souvenirs évoqués. L’indétermination des limites du moi semble autoriser la critique à demander s’il en comporte. Y a-t-il plusieurs psychiques individualisés, en d’autres termes ; suis-je seul dans l’Univers à constituer un moi et même y a-t -il dans l’Univers autre chose que moi ? Ne suis-je pas tout ? Cette question, ridicule au premier abord, n’est pas, à la réflexion, aussi aisément soluble qu’elle le semble. Je ne puis pour la résoudre consulter que ma conscience. Or elle ne me révèle qu’une part du moi et rien ne l’oblige à assigner au moi des bornes. Certaines sensations, celles de la vue, apparaissent à la conscience spontanée comme extérieures au moi : la synthèse de couleurs vertes et de couleurs brunes qu’on appelle arbre est un état de sensibilité nerveuse extériorisé par tous les hommes, excepté les philosophes qui se demandent avec Kant si hors de la