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H. POINCARÉ.LES MATHÉMATIQUES ET LA LOGIQUE.

231 à 241 et par M. Pieri aux pages 194 à 203. Nous allons comparer et examiner les manières de voir de MM. Couturat et Pieri.

Que signifie en mathématiques le mot exister ; il signifie, avais-je dit, être exempt de contradiction. C’est ce que M. Couturat conteste ; « L’existence logique, dit-il, est tout autre chose que l’absence de contradiction. Elle consiste dans le fait qu’une classe n’est pas vide ; dire : Il existe des , c’est, par définition, affirmer que la classe n’est pas nulle ». Et sans doute, affirmer que la classe n’est pas nulle, c’est par définition, affirmer qu’il existe des . Mais l’une des deux affirmations est aussi dénuée de sens que l’autre, si elles ne signifient pas toutes deux, ou bien qu’on peut voir ou toucher des , ce qui est le sens que leur donnent les physiciens ou les naturalistes, ou bien qu’on peut concevoir un sans être entraîné à des contradictions, ce qui est le sens que leur donnent les logiciens et les mathématiciens.

Pour M. Couturat ce n’est pas la non-contradiction qui prouve l’existence, c’est l’existence qui prouve la non-contradiction. Pour établir l’existence d’une classe, il faut donc établir, par un exemple, qu’il y a un individu appartenant à cette classe : « Mais, dira-t-on, comment démontre-t-on l’existence de cet individu ? Ne faut-il pas que cette existence soit établie, pour qu’on puisse en déduire l’existence de la classe dont il fait partie ? — Eh bien, non ; si paradoxale que paraisse cette assertion, on ne démontre jamais l’existence d’un individu. Les individus, par cela seul qu’ils sont des individus, sont toujours considérés comme existants. On n’a jamais à exprimer qu’un individu existe, absolument parlant, mais seulement qu’il existe dans une classe. » M. Couturat trouve sa propre assertion paradoxale, il ne sera certainement pas le seul. Elle doit pourtant avoir un sens ; il veut dire sans doute que l’existence d’un individu, seul au monde, et dont on n’affirme rien, ne peut entraîner de contradiction ; tant qu’il sera tout seul, il est évident qu’il ne pourra gêner personne. Eh bien soit, nous admettrons l’existence de l’individu, « absolument parlant », mais de celle-là nous n’avons que faire : il vous restera à démontrer l’existence de l’individu « dans une classe » et pour cela il vous faudra toujours prouver que l’affirmation : tel individu appartient à telle classe, n’est contradictoire ni en elle-même, ni avec les autres postulats adoptés.

M. Pieri n’est pas tombé dans la même erreur. Il veut aussi qu’on cherche à démontrer l’existence par l’exemple ; mais il se rend