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formule en question. Ainsi il accuse les logisticiens de changer subrepticement de définition ; et c’est lui-même qui, au cours d’un même article, change la définition, ou plutôt l’énoncé, du principe d’induction ! Pour prouver son accusation, il commet lui-même le paralogisme qu’il leur attribue à tort, et tous ses reproches d’illogisme retombent sur lui seul. Si j’avais l’esprit de M. Poincaré, je dirais que son « aventure » est bien aussi instructive que celle de M. Burali-Forti, et qu’elle doit « avertir » les adversaires de la Logistique « de la nécessité d’être circonspect ».

Je ne relèverai pas la conclusion des articles de M. Poincaré, parce que je ne vois pas l’utilité de porter la discussion sur le terrain historique, où elle se complique de questions d’interprétation. Le débat n’est pas « entre Kant et Leibniz », mais entre M. Poincaré et les logisticiens. En outre, la question, telle que M. Poincaré l’a posée, n’est pas de philosophie générale ou d’épistémologie, mais de logique pure. Admettant leurs principes et leurs notions premières, il a soutenu qu’à partir de ces données ils ne pouvaient pas reconstituer la mathématique tout entière sans autre postulat[1] (appel à l’intuition ou jugement synthétique a priori) ; et il a cru découvrir dans leur construction logique des paralogismes (pétitions de principe ou cercles vicieux). Je crois pouvoir conclure de la discussion précédente qu’aucune de ces thèses n’est prouvée, et qu’en particulier les logisticiens n’ont commis aucune des fautes logiques qu’on leur impute à la légère. J’ai une trop haute idée de l’esprit et du caractère de M. Poincaré pour ne pas croire qu’il reviendra à une appréciation plus juste et plus favorable de la Logistique, quand il l’aura étudiée.

Louis Couturat.
  1. Voir p. 830 et 832.