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H. POINCARÉ.LES MATHÉMATIQUES ET LA LOGIQUE.

binaisons qui nous sont déjà acquis en l’état actuel de la théorie, ou que nous sommes en train d’introduire. Lors donc qu’on déduira des propositions des axiomes considérés, ce sont ces objets et ces combinaisons seules que l’on sera en droit de substituer aux indéterminées. Il ne faudra pas non plus oublier que, lorsque nous augmentons le nombre des objets fondamentaux, les axiomes acquièrent du même coup une extension nouvelle et doivent, par suite, être de nouveau mis à l’épreuve et au besoin modifiés. »

Le contraste est complet avec la manière de voir de M. Russell. Pour ce dernier philosophe, nous pouvons substituer à la place de non seulement des objets déjà connus, mais n’importe quoi. Russell est fidèle à son point de vue, qui est celui de la compréhension. Il part de l’idée générale d’être et l’enrichit de plus en plus tout en la restreignant, en y ajoutant des qualités nouvelles. Hilbert ne reconnaît au contraire comme êtres possibles que des combinaisons d’objets déjà connus ; de sorte que (en ne regardant qu’un des côtés de sa pensée) on pourrait dire qu’il se place au point de vue de l’extension.

Pourquoi maintenant Hilbert est-il amené à se mettre ainsi en opposition avec Russell ? Pour le comprendre, il faut rappeler ce qu’il a dit au début, en le soulignant.

« Frege se trouve désarmé devant les paradoxes de la théorie des Ensembles, paradoxes dont la considération de l’Ensemble de tous les Ensembles nous fournit un exemple et qui établissent, selon moi, que les notions et les méthodes de la logique usuelle n’ont pas encore la précision et la rigueur réclamées par la théorie des Ensembles. Or, ce devrait être, au contraire, l’un des objets principaux poursuivis de prime abord, par celui qui étudie le concept de nombre, que d’échapper à ces contradictions et d’éclaircir ces paradoxes. ».

Et à la fin « Les principes II (celui que nous avons énoncé un peu plus haut) et III permettent d’échapper aux Paradoxes mentionnés au début de cet article… »

Ainsi, aux yeux de Hilbert, se placer, comme le fait M. Russell, au point de vue de la compréhension d’une façon intransigeante, c’est manquer de précision et de rigueur, c’est s’exposer à la contradiction.

Qui a raison ? Je ne veux pas l’examiner ici ; la discussion approfondie de cette question, si intéressante qu’elle soit, nous entraînerait beaucoup trop loin. Ce qui nous inclinerait pourtant à donner