Page:Revue de métaphysique et de morale - 14.djvu/260

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
228
revue de métaphysique et de morale.

« nombre ordinal », et peut-être eût-il trouvé moins ridicule une formule qui nous apprend que est un nombre ordinal. Lors même que cette formule n’eût rien « appris » à M. Poincaré, il n’était pas encore fondé à la juger insignifiante, et cela pour deux raisons. D’une part, il suffit de cette formule pour prouver que la classe existe, et ce résultat n’est pas à dédaigner, puisque M. Poincaré attache tant d’importance aux théorèmes d’existence, et reproche à tort aux logisticiens de les négliger. D’autre part, pour prouver que ,… tous les nombres entiers finis sont des nombres ordinaux, on est obligé d’employer le principe d’induction, et pour cela de partir du fait que est un tel nombre. Si évident ou si trivial que ce fait puisse paraître à M. Poincaré, il importait de le démontrer, et la formule dont il se moque prouve précisément la conscience et la rigueur des logisticiens. Toutes les fois, du reste, qu’on a à appliquer le principe d’induction, on est obligé de partir du fait que la proposition à démontrer est vraie pour ou pour  ; ce fait est en général évident, mais il n’en est pas moins indispensable de le constater ou de le démontrer, car il est le point de départ nécessaire du raisonnement par récurrence. Les plaisanteries de M. Poincaré sont donc tout à fait mal venues en cette circonstance.

Quant à la contradiction ou au paradoxe découvert par M. Burali-Forti dans la théorie des nombres ordinaux transfinis, et dont M. Poincaré tire argument contre la Logistique, je n’en dirai qu’un mot, à savoir, que cette contradiction n’est nullement imputable à la « pasigraphie », c’est-à-dire à l’emploi des symboles logiques ; et la preuve en est que des mathématiciens totalement étrangers à la Logistique la reconnaissent, la discutent, et se dépensent depuis plusieurs années en vains efforts pour la résoudre[1]. C’est une difficulté de pure logique, qui réside dans les principes de la Logique des classes (c’est-à-dire de la partie ancienne et traditionnelle de la Logique). Voici du reste comment M. Burali-Forti l’expose dans une lettre qu’il a bien voulu m’écrire à ce sujet : « La réponse à la critique que M. Poincaré vient de m’adresser, est déjà contenue dans mon mémoire Una questione sut numeri transfiniti[2]. Je rap-

  1. Bernstein, Math. Ann., t. 60 ; Jourdain, Philosophical Magazine, 1904, 1905 ; Russell, Mind, 1905 ; Hadamard, Borel, Lebesgue, Baire, Bulletin de la Sorciété Math. de France, 1905 ; Zermelo, Borel, König, Schönflies, Math. Ann., i, 59, 60.
  2. Rend. Circ. Mat. di Palermo, 1897, pp. 154-164, 260. (Dans l’avant-dernière ligne de la p. 260 les deux mots ben, perfettamente, ont été échangés entre eux une erreur typographique.)