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nition[1]. En résumé, l’argument de M. Poincaré revient à ceci : « Tous ceux qui raisonnent avec les mots du langage vulgaire sont exposés à commettre des pétitions de principe ; or les logisticiens emploient, non des mots, mais des symboles rigoureusement définis ; donc ils doivent commettre, eux aussi, des pétitions de principe. » Le syllogisme n’est pas concluant, car il a quatre termes. Et lors même qu’il n’en aurait que trois (c’est-à-dire lors même qu’on pourrait légitimement conclure des mots aux symboles), les deux mots que j’ai soulignés le rendraient encore invalide : la majeure dit qu’on peut commettre des erreurs ; la conclusion affirme que certains auteurs en ont nécessairement commis.

La critique de la définition du nombre n’est pas plus solide. « Un est le nombre des éléments d’une classe dont deux éléments quelconques sont identiques », telle est la traduction verbale que M. Poincaré donne de cette définition. « Elle est plus satisfaisante… en ce sens que pour définir , on ne se sert pas du mot un ; en revanche, on se sert du mot deux » (p. 825) ; et M. Poincaré soupçonne (avec raison) qu’on ne peut définir deux qu’au moyen de un[2]. Mais il abuse de ce que j’ai employé le mot deux pour faire une phrase « française ». La formule logistique est :

Cls ∩ Λ : ͻ


ce qui signifie, plus exactement : «  est la classe des classes non nulles telles que, si est , et est , est identique à , quels que soient et  ». Où y a-t-il, je ne dis pas le mot, mais l’idée de deux dans cette formule ? M. Poincaré dira peut-être qu’on y fait figurer deux éléments (problématiques) et de la classe  ; mais le fait qu’ils sont deux n’intervient en aucune manière ; et la preuve en est qu’en réalité ils ne font qu’un : et ne sont que deux noms (pardon ! des noms) pour un seul individu. On pourrait en mettre davantage dans la formule sans en changer la signification. Quoi qu’il en soit, cette critique ne porte manifestement pas contre une autre formule équivalente que j’ai donnée[3] :

  1. M. Peano disait textuellement au début de la Préface de ses Arithmetices principia (1889) ; « Quæstiones quæ ad mathematicse fundamenta pertinent…satisfacienti solutione et adhuc carent. Hic difficultas maxime ex sermonis ambiguitate oritur. Quare summi interesl verba ipsa, quibus utimur, attente perpendere… » et l’auteur en conclut la nécessité d’employer des symboles logiques.
  2. Au moyen de la formule générale par laquelle on définit au moyen de . V. Les Principes des Mathématiques, ch. ii. § B, p. 59 ; Revue, XII, 222.
  3. Ibid., et dont j’ai déduit logistiquement la précédente (p. 60).