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que j’en ai fait. En effet, les formules logistiques, qui constituent, comme dit M. Poincaré, un « nouveau langage », se suffisent à elles-mêmes et sont intelligibles entièrement par elles-mêmes ; s’il fallait y ajouter un seul mot de la langue vulgaire, c’est qu’elles seraient incomplètes ou défectueuses. De plus, si l’on a inventé ce « nouveau langage », c’est expressément pour éviter les équivoques ou les pétitions de principe impliquées plus ou moins confusément dans la langue vulgaire. Par conséquent, seules les formules logistiques peuvent être exactes, rigoureuses et exemptes des susdits vices logiques. Dès lors, quand un auteur croit devoir les traduire en langue vulgaire, c’est simplement pour les rendre plus accessibles aux « profanes » ; mais il doit être bien entendu que cette traduction verbale est toujours imparfaite, approximative, et ne permet aucunement d’apprécier la valeur logique des formules. Justement parce que le langage ne peut égaler la précision et la rigueur des formules, nous ne nous sommes pas fait scrupule d’introduire dans nos traductions verbales des pétitions de principe apparentes, pour les rendre plus claires et plus « françaises ». Qu’importe une inexactitude de plus ou de moins, du moment que seule la formule logistique compte et fait foi au point de vue logique ? Nous ne pouvions pas nous attendre à ce qu’on jugeât et condamnât ces formules sur la simple inspection de la traduction verbale que nous en donnions à l’usage des novices. Toute traduction est une trahison ; mais cela est encore plus vrai quand la traduction fait précisément évanouir les qualités de l’original sur lesquelles porte l’étude et la discussion. C’est exactement comme si l’on voulait étudier la métrique de Virgile dans une traduction française de l’Enéide.

Or c’est des traductions verbales, et uniquement des traductions verbales, que M. Poincaré a tenu compte dans ses critiques ; les formules logistiques paraissent être nulles et non avenues à ses yeux : « Græcum est, non legitur. » Il peut donc « s’amuser à compter combien mon exposé contient d’adjectifs numéraux » (p. 830) ou indéfinis ; cela ne prouvera absolument rien contre la « pasigraphie ». Néanmoins, nous voulons examiner ses arguments un à un, pour mieux montrer qu’ils portent tous à faux. Au sujet de la définition logique du zéro, il dit : « Définir zéro par nul, et nul par aucun, c’est vraiment abuser de la richesse de la langue française » (p. 823). Puis il reconnaît que j’ai « introduit un perfectionnement dans ma définition » (double inexactitude, car cette définition n’est pas de