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L. COUTURAT.Pour la Logistique.

bert » le « triomphe » de la Logistique en Géométrie (p.30). Je tiens, à ce propos, à constater un fait : en 1900, M. Hilbert a élaboré pour l’Arithmétique un système compliqué de dix-huit axiomes (axiomes de liaison, axiomes de computation, axiomes d’ordination, axiome de continuité, axiome d’intégrité)[1], alors que depuis onze ans l’Arithmétique avait été édifiée sur cinq axiomes seulement (que M. Padoa a réduits à quatre en 1902). Enfin, pour rendre à chacun la justice « chronologique » qui lui est due, je dois rappeler que dès 1884 M. Frege exposait, dans ses Grundlagen der Arithmetik, la théorie du nombre entier que M. Russell a adoptée en principe, et entreprenait de prouver que les principes de l’Arithmétique sont purement logiques (analytiques, au sens de Kant).

M. Poincaré écrit : « Cette invention de M. Peano s’est appelée d’abord la pasigraphie », et il ajoute : « Ce nom en définissait très exactement la portée » (p. 822). La première phrase contient une erreur de fait : jamais M. Peano n’a appelé pasigraphie son symbolisme logique : il l’a toujours appelé logique mathématique[2]. Si nous l’appelons Logistique, c’est d’abord à cause de l’équivoque de l’expression « Logique mathématique » ; c’est ensuite, non pas parce que « ce nom nouveau implique le dessein de révolutionner la logique ». mais parce que ce bon vieux mot, par lequel Viète désignait l’Algèbre, indique, par son étymologie même, l’art général de raisonner et de calculer ; et c’est en ce sens qu’il était employé dès le xviiie siècle siècle par Lambert pour désigner son propre calcul logique[3]. C’est Schröder qui l’a appelée pasigraphie dans une communication au 1er Congrès des mathématiciens (Zurich, 1898), et cela probablement dans une intention péjorative[4]. Or ce mot est tout à fait inexact, quoi qu’en dise M. Poincaré. On appelle pasigraphie toute langue universelle écrite, symbolique ou chiffrée, comme est par exemple le Code international des signaux maritimes[5]. J’ai moi-même employé autrefois ce mot en parlant du symbolisme de

  1. Ueber den Zahlbegriff', ap. Jahresbericht der deutschen Mathematiker-Vereinïgung. t. VIII (1900).
  2. Voir toutes les éditions du Formulaire de Mathématiques, et les Notations de Logique mathématique (1894) qui forment l’introduction à la 1er édition.
  3. Versuche einer Zeichenkunst in <ier Vernunftlehre, ap. Logische und philosophische Abhandlungen, éditées par Joli. Bernoulli (Berlin, 1782).
  4. Ueber Pasigraphie, ihren gegenwürtigen Stand und die pasigraphische Bewegung in Italien (1898), traduit en anglais dans le Monist d’octobre 1898.
  5. Cf. Couturat et Leau, Histoire de la langue universelle, Chap. préliminaire : Les pasigraphii’s Paris, Hachette, 1903).