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L. COUTURAT.PHILOSOPHIE DES MATHÉMATIQUES DE KANT.

juste : les systèmes sont vrais parce qu’ils affirment, et faux par ce qu’ils nient. Kant a trop cherché à distinguer et à délimiter les facultés de l’esprit, à les parquer dans des cases bien étiquetées ; son système, d’une symétrie artificielle et voulue, donne l’impression étouffante d’une construction finie et close de toutes parts : il ressemble au système du monde des anciens, avec ses cieux de cristal superposés ; il ne laisse pas de place à l’extension irrésistible des sciences, c’est-à-dire à l’avenir et au progrès. Enfin Kant a manqué de confiance dans le pouvoir et la fécondité de l’esprit humain. Il a été trop préoccupé de circonscrire minutieusement le champ de la pensée, de subordonner la raison spéculative à la raison pratique, de borner et même de « supprimer le savoir pour faire place à la foi » (B. xxx). Mais la raison a pris sa revanche, en brisant les cadres rigides et les formules scolastiques où il avait cru l’enfermer pour toujours[1].

Louis Couturat.
  1. Nous nous sommes abstenu à dessein de répéter ici les considérations d’ordre historique que nous avons indiquées dans notre exposé : Kant et la Mathémalique moderne, ap. Bulletin de la Société française de Philosophie, séance du 20 mars 1904.