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thétiques seront toujours les mêmes, c’est-à-dire si leur signification ne changera pas ; mais ce que nous savons, avec une entière certitude, c’est que leur négation ne sera possible que par une affirmation plus large et plus haute, plus cohérente, plus intelligible, et partant plus vraie[1]. » Cette affirmation ne ramène-t-elle pas toute la Critique, ne pose-t-elle pas d’avance les conditions de la science à venir ? Car enfin il faut bien que ces mots « cohérent », « intelligible », « vrai » aient, dès maintenant, pour M. Weber, un sens. Et par exemple n’y a-t-il pas une raison intrinsèque pour laquelle la notion de pression atmosphérique, notion définie par des grandeurs mesurables, par des relations spatiales et numériques, est par elle-même plus vraie, plus scientifique, que la formule célèbre : « la nature a horreur du vide ».

En tout cas on aperçoit bien, d’après ce que nous avons dit, que la condition de l’aperception dans une conscience détermine d’avance un ordre de dépendance entre nos idées les plus simples. On peut dire par exemple que le nombre deux n’est deux que dans une conscience, ou encore, que un est le principe de deux ; et on dira toujours la même chose ; on ne fera que mieux comprendre Kant, et fortifier en soi cette idée qu’il y a une méthode de penser applicable à toute expérience possible, et qui consiste à la reconstruire en partant de « simples » ou « absolus » comme faisait Descartes. Et ainsi la distinction de la forme et de la matière, ou, en d’autres mots, de l’essence et de l’existence, semble légitime. Du même coup, les mots Raison, Méthode, Culte de la Raison, et les mots justice, droit, vertu prennent un sens indépendamment de l’expérience, et on comprend qu’être soi et qu’être homme, c’est autre chose que suivre l’occasion et la mode, et se borner à être d’un temps et d’un pays.

Au reste, il faut bien faire attention que je n’argumente pas tant ici contre M. Weber que contre les lecteurs prévenus et trop pressés qui voudraient appuyer de ce qu’il dit une thèse qui n’est point la sienne. M. Weber est arrivé au « Réalisme du Savoir » par un chemin qu’il ne faut pas oublier, par la Critique, par la doctrine de l’a priori. Bien loin de ruiner l’autorité des catégories, il prétend, au contraire, l’établir mieux que ne l’a fait Kant, en montrant que la catégorie s’engendre, non par une déduction toute verbale, comme extérieure à elle-même, mais par une nécessité intrinsèque, qui se

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