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j’aurais quelque peine à l’admettre et il me semble qu’une logique des sciences, si elle ne peut annoncer ce que la science sera, peut pourtant dire d’avance ce que la science ne sera jamais. Certes on peut prévoir que cette seconde thèse de M. Weber rencontrera moins de contradicteurs que la première. Il s’agit de savoir si la science de l’Esprit, ou des conditions formelles du savoir — qu’on l’appelle psychologie, critique, ou métaphysique — apporte quelque lumière à l’histoire du savoir, et limite d’une façon quelconque son avenir : M. Weber répond négativement, puisque selon lui, la science même la plus rigoureuse est remise en question tout entière à chaque vérification nouvelle. Ainsi non seulement on ne peut déterminer d’avance ce que la science conservera de ses idées, mais encore, et cette conclusion est liée à la première, ce n’est pas par l’effet d’une méthode logique, distincte de la science même, et fondée sur la nature de l’esprit, que les grandes découvertes ont été faites. On reconnaît ici une thèse que beaucoup de bons esprits soutiennent en ce temps, et qui va à ruiner complètement la notion de Raison.

Nul ne peut songer à prendre définitivement parti dans ce débat, et en ces matières les philosophes de métier doivent être prudents, s’ils veulent réhabiliter la Logique des sciences, compromise par des Manuels rédigés trop vite, et assez ridicules. J’avoue pourtant que, lorsqu’il s’agit de savoir comment la science se fait, je ne puis m’empêcher d’écouter aussi Descartes et ses règles ; et je ne vois rien de mystérieux dans les grandes découvertes ; j’y vois tout au contraire la puissance de l’ordre et des définitions rigoureuses. Quand Descartes, étudiant la réflexion de la lumière, décompose un mouvement oblique par rapport au plan réfléchissant, en deux mouvements, l’un normal, l’autre parallèle au plan, je vois si bien dans cette analyse l’application des règles, que je ne puis m’empêcher d’y admirer plutôt la puissance des idées claires et bien ordonnées, et l’art de traiter les problèmes par parties, que je ne sais quel rythme vital, que l’on n’explique guère, et qui n’explique pas grand’chose, Descartes examine deux cas définis et simples, et avec ces deux notions il compose tous les cas possibles. Il compose l’oblique, qui est indéfini, avec le perpendiculaire et le parallèle, qui sont définis. Il va du simple au complexe ; il conduit par ordre ses pensées ; et il s’en rend très bien compte : il a pris la peine de nous le dire. Et il-est à propos de remarquer que cette méthode d’analyse est très féconde, puisqu’elle n’est autre chose que la