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pant en vertu d’un principe interne et purement logique. De là une antinomie apparente, que nous retrouverons dans toute connaissance[1]. » Et l’on voit bien par là comment il sera possible de concevoir la science expérimentale à l’image de la Mathématique, sans pour cela méconnaître le rôle de l’expérience.

La théorie était ainsi rapprochée de l’expérience, il est plus facile de faire accepter la thèse principale, selon laquelle la conquête de la vérité n’est pas « l’épreuve du métal précieux de l’idée par la pierre de touche du réel ». L’auteur résume encore cette thèse ainsi « Lorsque nous parlons de la modification des idées par les faits, nous désignons par là un mode obscur de la mutuelle action des idées[2]. » La thèse est difficile à expliquer et à comprendre. Voici les principales idées qui y peuvent conduire, et que M. Weber expose avec forces.

La première est que le réel ne se constate point, mais se détermine dans la multitude des apparences par une relation d’idées. On ne trouve point dans le seul aspect des images du rêve, c’est-à-dire dans leurs qualités sensibles ni dans l’intensité de ces qualités ; de quoi les distinguer des images que nous appelons choses réelles ou faits réels. L’incendie a aussi dans mon rêve des flammes et de la fumée. La réalité des faits se prouve par leur enchaînement sous l’idée de causalité. « La perte de mon bien est la conséquence inévitable de la flamme de l’incendie réel, tandis que la même flamme vue en songe ne laisse aucune trace dans mon existence après mon réveil… » « Supprimez la relation qui déduit les faits les uns des autres, qui entre mes idées de demain et mes idées d’aujourd’hui établit une liaison nécessaire, et vous détruirez le fondement de ma croyance au monde extérieur[3] ». D’où l’auteur est en droit de conclure que le fail réel ne diffère pas, en nature, de l’idée ; il n’est réel qu’autant qu’il est affirmé comme tel ; et, par suite, « l’existence objective se pose comme une espèce au sein d’un genre plus vaste, qui est l’existence logique[4]. »

Cette analyse, assurément bien connue, mais que M. Weber reprend et renouvelle, et sur laquelle on ne réfléchira jamais assez est un premier avertissement pour ceux qui considèrent qu’un fait a, comme fait, tous les droits, simplement parce qu’il se présente.

  1. P. 230
  2. P. 180
  3. P. 188
  4. P. 189