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revue de métaphysique et de morale.

l’esprit en soi, tels sont les deux fantômes qu’il faut chasser de la philosophie.

L’idée vraie se définit en effet par deux caractères. L’un, qui es formel, distingue l’idée confuse de l’idée claire, et c’est sur ce caratère que travaillent les philosophes, avec plus ou moins de succès. On sait assez comment Kant a montré que le principe de non-contradiction ne suffit pas à la Logique des sciences, et comment il a construit l’édifice de l’Esprit humain, défini par les conditions formelles de l’idée vraie, catégories et principes appliqués à des formes nécessaires. L’autre caractère de l’idée vraie c’est sa conformité avec ce que lon appelle l’objet, conformité qui est montrée par l’expérience.

M. Weber fait voir que cette conception repose sur un double réalisme et suppose deux illusions, l’illusion de l’esprit en soi et l’illusion de la chose en soi. Et il s’attache à montrer que le Savoir ne dépend ni de l’un ni de l’autre, et que, ni par démonstration a priori, ni par expérience, on n’apporte jamais au Savoir une confirmation qui n’ait pour condition le Savoir même, et qui soit différente de l’existence même du Savoir.

Jugeons d’abord avec M. Weber cette logique des sciences, qui, à côté où au-dessus de la science, légifère sur la science, et, prétention admirable, définit le vrai en faisant abstraction de l’idée vraie[1]. Cette logique est une autre science à côté de la science ; c’est réellement une Psychologie, c’est-à-dire un autre savoir qui devrait, lui aussi, si il y a vraiment une logique du Savoir hors du Savoir, avoir à son tour sa logique ; et cela est sans fin. En réalité si la Psychologie vaut quelque chose, c’est en elle qu’on le verra. Si une science quelconque vaut quelque chose, c’est en elle qu’on le verra. « La mathématique est le critérium de ses vérités, la physique des siennes, la psychologie des siennes[2]. » En cherchant dans une psychologie la justification de l’arithmétique par exemple, on gagne d’avoir deux choses à justifier au lieu d’une : l’arithmétique et la psychologie. On comprend donc très bien que le savant véritable, le savant qui cherche et invente, le savant qui fait la science, s’occupe peu de cette autre science qu’on lui propose comme préface à la sienne, et même s’en moque volontiers. La psychologie « exprime en un langage inconnu du physicien ce que le physicien connaît mieux que per-

  1. P. 388.
  2. P. 355.