Page:Revue de métaphysique et de morale - 12.djvu/107

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
97
E. CHARTIER. — Vers le positivisme absolu par l’idéalisme.

a dans le Cogito rien de plus que cette affirmation : le problème du réel se pose ; ou encore : des objets sont pensés comme ayant une existence douteuse ; ou encore : l’apparence apparaît. On pourrait dire aussi : ce qu’il y à de certain dans l’apparence du monde, c’est que la question de l’existence du monde est posée ; le monde est pensé ; l’idée du monde est donnée. « L’expression la plus exacte du Cogito, celle qui met le mieux en lumière son évidence, est celle-ci : il y a des choses, il existe quelque chose : car, s’il n’existait rien, la proposition même qui affirme qu’il existe quelque chose ne serait pas donnée et n’existerait pas[1]. » « L’existence ainsi conçue comme inséparable de la pensée est ce qu’on peut appeler l’existence logique : logique, parce qu’elle n’est donnée qu’en tant qu’elle est affirmée et posée dans le discours. » J’insiste sur cette définition de l’existence logique, parce que le lecteur qui n’y ferait point attention serait fort embarrassé par la suite. Nous appelons communément logique la connaissance qui se fait par discours enchaînés selon les lois du raisonnement, et en vertu du principe de non-contradiction. M. Weber, nourri de Hegel, l’entend tout autrement, et la définition qu’il donne ici ne doit pas être oubliée.

Voilà done le réel réduit, si l’on peut dire, au problème même du réel. Il n’existe absolument au monde que les éléments de ce problème, qui sont des idées, et c’est à l’intérieur d’un système d’idées, avec les seules relations d’idée à idée, qu’il faut maintenant concevoir une science déductive, une science expérimentale, et un univers qui soit l’objet de l’une et de l’autre : « L’objet d’une idée n’est qu’une antre idée, plus immédiate, et située à un degré inférieur et intérieur de la réflexion[2]. » Voilà ce qu’il faut comprendre. Distinguer au sein même des idées, et sans oublier qu’aucune d’elles n’a le privilège de nous révéler un objet hors des idées, distinguer le vrai et le faux, tel est le problème. Pas un seul moment M. Weber ne va oublier en quels termes il l’a posé, et l’on voit tout de suite qu’il va combattre contre deux ennemis, les empiristes, qui fondent la vérité sur la conformité de l’objet avec les verdicts que la Nature rend dans l’expérience, et les logiciens, qu’il appelle volontiers psychologues, qui règlent la valeur des idées sur des principes, qui sont pour eux les lois de l’Esprit et de la Raison. La chose en soi,

  1. P. 162
  2. P. 167