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revue de métaphysique et de morale.

Ce qui importe dans un auteur, c’est moins son système que sa pensée, entendez la pensée de telle chose en lui, par exemple la pensée de l’arc-en-ciel dans Descartes. Une telle pensée se soutient par soi, par un caractère intrinsèque. Celui qui la saisit sait qui pense mieux. Je dirais que la pensée d’un grand homme est pensé comme de pain est pain : elle réjouit et nourrit, c’est là sa puissance. Et nous arrivons par là à l’autre livre de M. Weber ; car c’est cela justement qu’il va nous faire voir, avec force. Et, après avoir fait à Hegel cette petite querelle que je disais, il va nous faire saisir par l’épreuve directe, autant que cela se peut, l’identité de l’objet et de l’idée dans le Savoir, se montrant ainsi vraiment Hégélien ; car vrai Hegel, c’est le Hegel qui est vrai.

Il faut maintenant résumer l’œuvre de M. Weber, dont je viens de critiquer la trop langue préface, et c’est une œuvre forte et pleine d’idées, qui vaut moins par les contours et la forme générale que par les analyses robustes et les exemples qui la remplissent.

M. Weber considère le Cogito de Descartes comme le point de départ de toute réflexion philosophique. Il commence par en déterminer le sens. « Le Cogito, qu’on ne l’oublie pas, est le premier moment de fa réflexion après le doute méthodique, c’est-à-dire après qu’elle s’est affranchie de toutes les croyances dogmatiques. » Cette pénétrante remarque eût été plus claire si M. Weber avait d’abord exposé de nouveau, avec bien plus de détail que ne l’a fait Descartes, les raisons qui ont conduit ce philosophe au doute méthodique. Le Cogito est un point de départ, c’est vrai, mais il est aussi un point d’arrivée, et la thèse idéaliste ne rencontrerait point tant de résistance, si ceux à qui on la propose avaient longtemps réfléchi au célèbre argument du rêve et aux autres. Et il ne suffit pas ici dire « je sais », où « cela est bien connu », il faut arriver soi-même et sincèrement à douter de tout pour comprendre que le Cogito est autre chose qu’un jeu de paroles.

Puis-je donc douter de tout ? Non, car il est certain que pendant que je doute, je doute, je pense que je doute ; voilà donc quelque chose qui est certainement, le doute, la pensée. Mais n’allons point la-dessus poser une substance spirituelle, une chose qui pense ; il n’y