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IIme CONGRÈS DE PHILOSOPHIE — GENÈVE

pensé, le cerveau partie, qui a certainement sa nature et sa fonction propre, non identique à celle du tout. Là est sans doute la difficulté. On n’y échappera, semble-t-il, qu’en se bouchant les yeux et les oreilles. Après tout, c’est peut-être une bonne méthode pour celui qui ne veut être que physiologiste ; M. Bergson ne le nie pas.

On voit d’après cela que la critique de M. Bergson porte fort loin ; il est même très difficile d’en mesurer la portée. Il n’est pas certain que la difficulté qu’il a signalée, en bornant volontairement ses recherches à une question de langage, ne soit pas enfermée implicitement dans le principe même de la psychologie. Les psychologues disent, comme si c’était évident, comme si c’était pour toujours au-dessus « le toute discussion, qu’il y a deux choses, les faits mentaux et les faits physiques. Or il n’y a, semble-t-il, pour chaque être conscient, qu’un univers à un point de vue, c’est-à-dire un corps propre, et des corps extérieurs à ce corps, connus plus ou moins clairement. Chercher alors quelle est l’action du corps sur l’âme, est-ce chercher quelque chose ? Le tout de ma représentation, je puis le considérer comme un ensemble de choses agissant et réagissant les unes sur les autres ; je puis le considérer aussi comme objet connu, et chercher, c’est le travail de la critique, à quelles conditions un tel objet peut être connu ; dans les deux cas, c’est toujours le même objet que je considère, tantôt sous l’attribut étendue, tantôt sous l’attribut pensée. Que le tout de la connaissance soit identique au tout de l’objet, on peut l’admettre. Mais ce n’est plus ainsi que les psychologues entendent le « parallélisme ». Ils cherchent comment les changements du corps propre sont liés aux changements d’aspect de l’univers dont ce corps est une partie : ils vont plus loin encore : ils cherchent comment les changements du corps propre sont liés aux changements d’une partie de ce corps qui est le cerveau ; ils pourraient aussi bien chercher maintenant comment les changements du cerveau sont liés aux changements d’une partie quelconque du cerveau, aussi petite que l’on voudra : tout se tient dans le corps, et dans l’univers autour du corps ; étudier comment tout se tient, c’est faire une physique et une physiologie. Mais ce qu’on ne peut entendre, c’est que, passant subitement d’un point de vue à un autre, ils cherchent à expliquer par les changements du cerveau, considéré comme objet, et sous l’attribut étendue, la représentation de l’Univers considère comme idée ou connaissance, c’est-à-dire sous l’attribut pensée. Dire que