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réalisme, il suffit que M. Bergson distingue ces deux points de vue, et montre ensuite que, de quelque façon qu’on s’y prenne, la formule en question n’est exprimable dans aucune des deux langues, et qu’elle ne peut prendre une apparence de sens que si les deux points de vue sont, non pas négligés ou laissés de côté tous les deux, mais au contraire adoptés tous les deux. Répondre qu’on n’accepte pas la question, c’est justement laisser présumer au critique que son argumentation est bien fondée, et que la thèse critiquée s’évanouirait, si on acceptait l’alternative.

La critique de M. Bergson ne veut évidemment pas aller plus loin. Elle n’enferme ni la critique de l’idéalisme, ni la critique du réalisme ; tout au contraire elle justifie, indirectement au moins, ces deux points de vue par deux épreuves concordantes : ce qui est contradictoire dans la langue du réalisme l’est aussi, traduit dans la langue de l’idéalisme. Quant à la thèse qui est ici, au moins en intention, ruinée, il est prouvé justement qu’elle n’appartient et ne peut appartenir ni à un système ni à l’autre.

Si l’on veut attaquer avec chances de succès la thèse de M. Bergson, telle qu’il l’a présentée, il faut traiter son dilemme comme tout dilemme ; il faut chercher s’il n’existe pas au moins un troisième point de vue, exprimé par un troisième langage, lequel permettrait d’exprimer le « parallélisme » de façon à rassurer ceux qui y sont fermement attachés. Et il faudrait poursuivre ce travail et l’achever. Car, y eût-il un troisième point de vue, ou même une infinité de points de vue, ce qui est bien possible du moment qu’il y en a deux, encore faudrait-il prouver que le « parallélisme » peut être traduit dans une quelconque de ces « langues bien faites ». Cela est loin d’être évident. Ce qui est, au contraire, vraisemblable, c’est que, un principe qui ne peut être traduit dans une langue déterminée bien faite ne peut être traduit dans aucune autre langue bien faite. Aussi peut-être une des parties de la thèse de M. Bergson suffirait-elle, si on y pensait bien, à faire apercevoir la difficulté que l’on rencontrera toujours, quelque notation qu’on adopte. La pensée est la pensée de tout l’Univers, qu’on l’entende comme on voudra ; le cerveau est une des parties de cet univers. Il ne se peut donc pas que la pensée de l’univers, que j’ai, soit la pensée du cerveau comme partie de l’univers, que j’ai aussi. À vrai dire, le cerveau auquel pensent les physiologistes serait quelque chose comme l’univers même ; et dans cet univers, ou cerveau pensant, il y aurait toujours le cerveau