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IIme CONGRÈS DE PHILOSOPHIE — GENÈVE

chacun des détails qui la constituent reste lié à un événement cérébral. Si le tissu cérébral était à l’instant abandonné par le sang qui le baigne, à l’instant ma représentation cesserait. C’est que, dans chacun de ces détails, il subsiste quelque représentation, quelque partie de représentation obscure. En tant que confuse, sensible, affective, la représentation exprime le corps propre du sujet pensant ; en tant que distincte, conceptuelle, elle exprime la réalité universelle. Une intelligence d’une infinie pénétration irait donc bien dans les mouvements du cerveau les méditations de l’esprit qui y est attaché ; mais il faut ajouter qu’elle commencerait par apercevoir dans les mouvements du cerveau la suite des événements physiques qui y sont liés et que ces méditations représentent.

L’idéalisme permet donc de traduire correctement, sans cercle vicieux, le fait du parallélisme psycho-physique qui nous est donné dans l’expérience. Peut-être était-il utile de le rappeler. Je n’oublie pas que Leibniz a dit cela, avec une clarté parfaite. Mais plusieurs de nos collègues ont paru, hier, vouloir ramener la philosophie à l’étude du présent, du moment. En ce cas, il deviendrait bien nécessaire de rendre la vie et l’instant du moment présent aux idées les plus profondes de la philosophie passée.

M. Bergson. — Je commence par déclarer que je n’ai nullement entendu attaquer l’idéalisme, pas plus d’ailleurs que le réalisme. Ce que je critique, c’est l’adoption simultanée de ces deux points de vue qui sont, tels que je les ai définis, exclusifs l’un de l’autre. Et c’est cette adoption simultanée que je trouve derrière l’affirmation du parallélisme psycho-physiologique. Mon argumentation n’est dirigée ni contre un idéalisme, ni contre un réalisme conséquents avec eux-mêmes, puisqu’elle est fondée précisément sur ce que ces deux systèmes de notation, quand on ne les brouille pas ensemble au point de se contredire, nous montrent, l’un et l’autre, l’impossibilité du parallélisme.

Maintenant, je crains que l’objection de M. Darlu ne repose sur un malentendu. Qu’entend-il au juste par cette « représentation confuse » qui « correspond » au mouvement cérébral ? Est-ce la sensation lumineuse que j’éprouve quand je regarde le ciel ? Mais cette sensation est extensive : c’est une représentation confuse de ce qui occupe le champ visuel. Plus on analysera cette représentation, plus on y trouvera distinctement tout ce que vient de dire M. Darlu : c’est donc que, moins elle était analysée, moins elle contenait dis-