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IIme CONGRÈS DE PHILOSOPHIE — GENÈVE

M. Bergson. — J’ai déclaré, tout le premier, que la psycho-physiologie devait procéder comme si l’état psychologique expliquait complètement par ses conditions cérébrales. Dans ce sens précis, je suis tout prêt à vous accorder que la thèse du parallélisme peut être admise en physiologie à titre d’hypothèse auxiliaire. Elle signifiera simplement que nous ne pouvons pas mesurer a priori l’écart entre l’état psychologique et l’état cérébral, et que dès lors la science doit procéder comme si l’écart était nul. Bref, elle n’exprimera rien de positif, rien de définitif : elle symbolisera moins ce que nous savons déjà que ce que nous ignorons encore.

Tout autre est l’affirmation dogmatique d’une équivalence entre les mouvements intracérébraux et les états conscients. C’est en vain qu’on croirait rendre cette équivalence plus acceptable en faisant des états cérébraux et des états psychologiques les deux « faces » d’une même « réalité nouménale ». Ou bien, en effet, les mouvements sont eux-mêmes des représentations (et c’est bien ce qu’on parait admettre quand on les traite de « phénomènes »), ou ils en différent.

Plaçons-nous dans la première hypothèse. Le mouvement intra-cérébral, étant une certaine représentation spatiale, existe en même temps que les autres représentations et au milieu d’elles. Sa relation au reste de la représentation est alors, comme je le disais, celle de la partie au tout. Et par conséquent je ne vois pas votre second bateau flottant à la surface. Les deux bateaux et n’en font qu’un, et ce que vous preniez pour le bateau n’était qu’une portion du bateau aperçue en par un effet de mirage. Quant au sous-marin , vous pouvez le conserver si vous voulez ; mais tout ce que vous pourrez en dire est qu’il contient, impliqués les uns dans les autres, les éléments déployés et juxtaposés en . Qu’il fasse ou ne fasse pas marcher , qu’il entretienne avec la relation que vous voudrez, cela ne change rien à la relation entre les états cérébraux et les états conscients, puisque les uns et les autres sont situés en .

Passons à la seconde hypothèse. Le mouvement est d’une autre nature que la représentation. Cela revient à dire qu’il est de nature « nouménale », c’est-à-dire tout différent, en lui-même, de ce qu’il déploie dans la représentation. Mais par où la « chose en soi » se distinguerait-elle de notre représentation si elle était divisée et articulée comme elle ? Vous n’avez donc plus le droit de considérer un