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revue de métaphysique et de morale.

pas fondée sur une analogie de forme et de mouvements entre certains corps ; ce nest pas parce que des formes humaines s’agitent autour de nous[1] que Leibniz pose les monades. Il y est conduit par l’analyse même du donné, soit de la connaissance telle qu’elle est et de ses conditions, comme on le voit par l’important opuscule publié récemment dans cette Revue[2], soit du monde perçu par les sens, comme on le voit dans la Monadologie, et ces analyses concordantes restent bien fortes, M. Weber est bien forcé lui aussi de poser que tout est idée et rapports d’idées, et multiplicité d’idées, dans l’unité de sa propre conscience. Si Leibniz a cru réellement autre chose, c’est ce qui n’est pas aisé à savoir. J’admets qu’une pluralité de substances séparées est tout à fait inintelligible, aussi je pars de là pour conclure qu’un philosophe peut bien, par l’imperfection du langage, avoir laissé entendre quelque chose de tel, mais qu’à coup sûr il ne l’a point conçu, et que c’est autre chose qu’il veut dire. Il en est de tout langage comme de la « maison qui s’est envolée… » exemple célèbre… Sans compter qu’il est assez clair, lorsqu’on lit Leibniz, que le rapport de toutes les monades, comme leur pluralité, est intérieur à chacune d’elles, et expliqué par chacune d’elles autant qu’elle développe sa propre nature. Et l’on verra assez dans la suite que M. Weber ne dit pas et ne montre pas autre chose. La monade se suffit à elle-même. Elle ne dépend, quant à son devenir d’aucune condition extérieure à elle. Qu’elle réfléchisse ou qu’elle expérimente, elle ne fait jamais que confronter ses idées avec ses idées, et l’expérience n’est que le conflit entre des idées claires et de idées confuses. En vérité c’est presque l’analyse de la doctrine de M. Weber que je viens de donner, et il manque à notre auteur de savoir reconnaître sa propre pensée chez les philosophes, en d’autres termes, il lui manque de savoir lire, car qu’est-ce que lire ?

Et enfin quand le système de Leibniz serait difficile à recevoir comme système, il faudrait encore admirer la multitude des idées, bien vivantes encore maintenant, qui en sont nées et qui en naissent comme par « fulguration ». Celui qui essaie de comprendre le ²lSYStème des monades n’y parvient jamais complètement sans doute, mais chemin faisant que de choses il comprend à ce point de vue, et comme tous les replis de la vie pensante s’éclairent de soudaines lueurs ! C’est le cas de dire, et Leibniz lui-même l’a dit, un système se

  1. P. 146.
  2. La Revue de Métaphysique, janvier 1902.