Page:Revue de métaphysique et de morale - 12.djvu/1030

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
1018
revue de métaphysique et de morale.

ception est permise à celle des psychologies qui admet quelque chose à côté de son objet, elle ne l’est pas à l’autre. Pour celle-ci, il faut que l’esprit soit toujours en fonction de sentiment ou de pensée, bref toujours actuel. L’esprit qui a été ou qui sera, n’est pas de l’esprit, et elle n’en reconnaît pas l’existence. Par conséquent, elle se placera à un point de vue analogue à celui du strict phénoménisme, sans que, d’ailleurs, la question du phénoménisme ait lieu de se poser pour elle. J’entends par là que sa coordination se fera en même temps que ses termes, et que ses termes se poseront en même temps que sa coordination. Tandis que la première psychologie s’exercera sur un objet censé immobile, tout réalisé, elle, au contraire, créera son objet en l’étudiant, et l’étudiera en le créant. En résumé la philosophie est, à ce point de vue, une psychologie, mais une psychologie qui étudie les conditions du réel en tant que connu, c’est-à-dire l’esprit comme condition immanente universelle de la réalité.

On peut rappeler ici que J. Lagneau définissait la philosophie à peu près en ces termes : la philosophie, disait-il, est la science de l’esprit considéré comme condition de toute réalité. Du reste bien des hommes justement illustres ont contribué à réaliser une philosophie ainsi définie ; M. Gourd cite avec raison la Critique de la Raison pure comme un des modèles les plus achevés de la psychologie ou philosophie ainsi entendue.

La seconde idée exposée par M. Gourd est l’idée d’une métaphysique, qui compléterait la psychologie par l’étude des éléments universels de la réalité. Il écarte d’abord la métaphysique des explications « transcendantales », c’est-à-dire celle qui s’attache à rendre compte de la réalité donnée par autre chose qu’elle-même. Il est permis, en effet, d’hésiter devant une science qui, à rigoureusement parler, ne peut même pas être conçue, puisque au delà de la réalité donnée, il est impossible de rien concevoir, et qui, présentée en termes atténués et vulgaires, est en tout cas, beaucoup trop hypothétique pour notre temps.

Il faut écarter aussi une autre métaphysique, qui consiste à unifier les résultats des sciences particulières. Il reste donc que la métaphysique soit l’étude des éléments universels constitutifs de la réalité donnée. Par ces éléments, il faut entendre ce qu’il faut partout et toujours dans les choses, non seulement pour qu’elles soient données, mais pour qu’elles soient. Voilà qui nous affranchit radi-