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revue de métaphysique et de morale.

Le lecteur remarquera certainement la distinction qui vient d’être résumée ; il pourra utilement en faire l’application aux sciences qu’il connaît le mieux, et y séparer ce qui est vraiment créé ou posé, de ce qui n’est qu’un langage, qu’une manière claire et brève de dire ou d’écrire. Dans son ensemble, cette communication, même résumée et en quelque sorte décolorée, présente sous un jour nouveau cette idée importante, bien des fois exprimée, sous une forme ou sous une autre, par les plus grands philosophes, et néanmoins souvent négligée, c’est que l’existence des objets individuels et concrets n’est pas donnée, mais posée, et qu’ainsi, avant tout travail d’abstraction, la pensée a déjà élaboré et ordonné des idées ; la « langue bien faite » n’est pas toute la science.

M. Chartier sous ce titre : rapports entre la science et l’action, se propose de soumettre à la discussion les thèses principales d’une Morale rationaliste, ou si l’on veut intellectualiste. Ces thèses seront présentées ultérieurement dans cette Revue avec tout leur développement. On peut les résumer ainsi qu’il suit.

L’Utile. — 1. La Science doit être distinguée de la connaissance par coutume. Elle est la connaissance de l’essence d’une chose particulière.

2. Il ne faut donc pas confondre avec les connaissances scientifiques les idées générales, qui ne sont que des images fort confuses. Les idées, au sens précis du mot sont universelles et particulières, et non pas générales.

3. Toute tentative pour ramener la connaissance de l’essence à une coutume très ancienne, c’est-à-dire pour ruiner la théorie Kantienne des formes à priori, est condamnée à échouer, puisque l’histoire d’une forme suppose cette forme.

4. La Raison est donc autre chose que la coutume. On pent la définir, la connaissance par reconstruction conformément aux règles de Descartes, d’une chose particulière existant en acte.

5. Une telle connaissance règle nécessairement nos actions. Les objections qu’on peut proposer viennent de ce qu’on ne distingue pas le savoir par oui-dire, qui est évidemment sans force, et le savoir par coutume, qui ne s’applique pas aux cas nouveaux, du savoir rationnel ; et surtout de ce que l’on confond le savoir rationnel avec les idées abstraites et générales, alors que le savoir rationnel n’est rien autre chose qu’une perception claire.