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l’intuitionnisme est la possession complète et vécue de la réalité concrète, variable et particulière. Mais ces deux rêves ne s’excluent pas : ils sont corrélatifs et ils aboutissent au même résultat : la mort des productions hybrides. Seulement l’intuitionnisme est une philosophie transitoire. S’il est vainqueur, il n’y aura plus de philosophie : d’un côté on fera simplement de la vie, de l’action et de l’autre côté du symbolisme pur.

Cette opposition, comme l’auteur l’a indiqué lui-même, peut paraître un peu artificielle, Dans un esprit bien fait, le concept et l’intuition coexistent, semble-t-il ; et le concept, loin de planer au-dessus du réel, permet au contraire d’y pénétrer, et conduit à l’intuition. Il est naturel qu’on se laisse parfois entraîner à adorer le concept, et ensuite à le mépriser trop, de là deux attitudes, dont chacune suppose l’autre. Que, notamment, la philosophie de l’intuition suppose à chaque instant l’analyse et la reconstitution des concepts, c’est ce qu’il serait facile de montrer.

M. Vailati a traité du rôle du paradoxe dans la philosophie.

Le paradoxe résulte presque toujours, et tout naturellement, de tout effort pour définir les concepts les plus généraux comme ceux de cause, d’activité, de réalité, de force, de temps, de loi, etc. C’est que la plupart des propositions « évidentes » que l’on compose à l’aide des notions abstraites que nous venons de citer, ne doivent leur caractère de « certitude » et de « nécessité », qu’à la possibilité dont elles jouissent d’être interprétées comme des conséquences de la définition même des termes qui y figurent.

Tout effort pour analyser et décomposer les notions désignées par ces termes, par le seul fait qu’il nous met en état de leur attribuer un sens de plus en plus général, c’est-à-dire une signification impliquant une partie toujours moins considérable de l’ensemble des caractères qui en constituaient le sens primitif, tend à modifier la partie des propositions dans lesquelles ces termes figurent et à transformer celles d’entre elles qui n’étaient auparavant que des « tautologies » qu’on n’aurait pu nier sans se contredire en des affirmations dont la vérité ou la fausseté peuvent être sujets de discussion.

C’est à la même cause qu’on doit attribuer la tendance de certaines doctrines philosophiques à se présenter comme des négations de quelque distinction que « tout le monde excepté quelques philosophes » est disposé à regarder comme irrécusable et importante, par exemple la distinction entre le songe et la réalité, entre ce qui est