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ordinaires, et en particulier les trois dimensions de l’espace, ne s’imposent nullement au mécanicien avec une force invincible.

§ 12. — L’esprit et l’espace.

L’expérience n’a donc joué qu’un seul rôle, elle a servi d’occasion. Mais ce rôle n’en était pas moins très importent ; et j’ai cru nécessaire de le faire ressortir. Ce rôle aurait été inutile s’il existait une forme a priori s’imposant à notre sensibilité et qui serait l’espace à trois dimensions.

Cette forme existe-t-elle, ou si l’on veut, pouvons-nous nous représenter l’espace à plus de trois dimensions ? Et d’abord que signifie cette question ? Au vrai sens du mot, il est clair que nous ne pouvons nous représenter ni l’espace à quatre, ni l’espace à trois dimensions ; nous ne pouvons d’abord nous les représenter vides, et nous ne pouvons non plus nous représenter les objets ni dans l’espace à quatre, ni dans l’espace à trois dimensions ; 1o parce que ces espaces sont l’un et l’autre infinis et que nous ne pourrions nous représenter une figure dans l’espace, c’est-à-dire la partie dans le tout sans nous représenter le tout et cela est impossible puisque ce tout est infini ; 2o parce que ces espaces sont l’un et l’autre des continus mathématiques et que nous ne pouvons nous représenter que le continu physique ; 3o parce que ces espaces sont l’un et l’autre homogènes, et que les cadres où nous enfermons nos sensations, étant limités, ne peuvent être homogènes.

Ainsi la question posée ne peut s’entendre que d’une manière ; est-il possible d’imaginer que, les résultats des expériences relatées plus haut ayant été différents, nous ayons été conduits à attribuer à l’espace plus de trois dimensions ; d’imaginer par exemple que la sensation d’accommodation ne soit pas constamment d’accord avec la sensation de convergence des yeux ; ou bien que les expériences dont nous avons parlé au § 8 et dont nous exprimons le résultat en disant « que le toucher ne s’exerce pas à distance » nous aient conduits à une conclusion inverse.

Et alors évidemment oui cela est possible ; du moment qu’on imagine une expérience, on imagine par cela même les deux résultats contraires qu’elle peut donner. Cela est possible, mais cela est difficile parce que nous avons à vaincre une foule d’associations d’idées,