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inconnu α’ qui cause l’impression au doigt . Et en effet quand le premier objet bouge, ce dont nous avertit la disparition de l’impression , le second bouge également, puisque l’impression disdisparaît également. Quand le premier objet reste immobile, le second reste immobile. Si ces deux objets sont identiques, comme le premier est au point du premier espace et le second au point du second espace, c’est que ces deux points sont identiques. Voilà comment nous sommes conduits à regarder ces deux espaces comme identiques ; ou mieux voilà ce que nous voulons dire quand nous disons qu’ils sont identiques.

Ce que nous venons de dire de l’identité des deux espaces tactiles nous dispense de discuter la question de l’identité de l’espace tactile et de l’espace visuel qui se traiterait de la même manière.

§ 11. — L’espace et l’empirisme.

Il semble que je vais être amené à des conclusions conformes aux idées empiristes. J’ai cherché en effet à mettre en évidence le rôle de l’expérience et à analyser les faits expérimentaux qui interviennent dans la genèse de l’espace à trois dimensions. Mais quelle que puisse être l’importance de ces faits, il y a une chose que nous ne devons pas oublier et sur laquelle j’ai d’ailleurs appelé plus d’une fois l’attention. Ces faits expérimentaux se vérifient souvent, mais pas toujours. Cela ne veut évidemment pas dire que l’espace a souvent trois dimensions, mais pas toujours.

Je sais bien qu’il est aisé de s’en tirer et que, si les faits ne se vérifient pas, on l’expliquera aisément en disant que les objets extérieurs ont bougé. Si l’expérience réussit, on dit qu’elle nous renseigne sur l’espace ; si elle ne réussit pas, on s’en prend aux objets extérieurs qu’on accuse d’avoir bougé ; en d’autres termes, si elle ne réussit pas on lui donne un coup de pouce.

Ces coups de pouce sont légitimes, je n’en disconviens pas ; mais ils suffisent pour nous avertir que les propriétés de l’espace ne sont pas des vérités expérimentales proprement dites. Si nous avions voulu vérifier d’autres lois, nous aurions pu aussi y parvenir, en donnant d’autres coups de pouce analogues ? N’aurions-nous pas toujours pu justifier ces coups de pouce par les mêmes raisons ? Tout au plus aurait-on pu nous dire : « vos coups de pouce sont légi-