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H. POINCARÉ. L’ESPACE ET SES TROIS DIMENSIONS.

Je n’ai remué non plus ni ma tête, ni mon bras, ni ma main. Je constate qua l’instant α des impressions que j’attribuais à l’objet m’étaient transmises les unes par une des fibres de mon nerf optique, les autres par un des nerfs sensitifs tactiles de mon doigt ; je constate qu’à l’instant β, d’autres impressions que j’attribue à l’objet me sont transmises, les unes par cette même fibre du nerf optique, les autres par ce même nerf tactile.

Il est nécessaire ici de m’arrêter pour une explication ; comment suis-je averti que cette impression que j’attribue à , et celle que j’attribue à et qui sont qualitativement différentes me sont transmises par le même nerf ? Doit-on supposer, pour prendre par exemple les sensations visuelles, que produit deux sensations simultanées, une sensation purement lumineuse et une sensation colorée , que produit de même simultanément une sensation lumineuse et une sensation colorée , que si ces diverses sensations me sont transmises par une même fibre rétinienne, est identique à , mais qu’en général les sensations colorées et produites par des corps différents sont différentes. Dans ce cas ce serait l’identité de la sensation qui accompagne avec la sensation qui accompagne , ce serait cette identité, dis-je, qui nous avertirait que toutes ces sensations me sont transmises par la même fibre.

Quoi qu’il en soit de cette hypothèse, et bien que je sois porté à en préférer d’autres notablement plus compliquées, il est certain que nous sommes avertis de quelque façon qu’il y a quelque chose de commun entre ces sensations et , sans quoi nous n’aurions aucun moyen de reconnaître que l’objet a pris la place de l’objet .

Je n’insiste donc pas davantage et je rappelle l’hypothèse que je viens de faire : je suppose que j’ai constaté que les impressions que j’attribue à me sont transmises à l’instant β par ces mêmes fibres tant optiques que tactiles qui, à l’instant α, m’avaient transmis les impressions que j’attribuais à . S’il en est ainsi, nous n’hésiterons pas à déclarer que le point occupé par à l’instant β est identique au point occupé par à l’instant α.

Je viens d’énoncer deux conditions pour que ces deux points soient identiques : l’une est relative à la vue, l’autre au toucher. Considérons-les séparément. La première est nécessaire, mais n’est pas suffisante. La seconde est à la fois nécessaire et suffisante. Quelqu’un qui saurait la géométrie, l’expliquerait aisément de la manière suivante :