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H. POINCARÉ. L’ESPACE ET SES TROIS DIMENSIONS.

dimensions. Seulement cette solution est incomplète et artificielle, j’ai expliqué pourquoi, et ce n’est pas sur l’espace visuel, mais sur l’espace moteur qu’il faut faire porter notre effort.

J’ai rappelé ensuite quelle est l’origine de la distinction que nous faisons entre les changements de position et les changements d’état.

Parmi les changements qui se produisent dans nos impressions, nous distinguons d’abord les changements internes volontaires et accompagnés de sensations musculaires et les changements externes dont les caractères sont opposés. Nous constatons qu’il peut arriver qu’un changement externe soit corrigé par un changement interne qui rétablit les sensations primitives. Les changements externes susceptibles d’être corrigés par un changement interne s’appellent changements de position, ceux qui n’en sont pas susceptibles s’appellent changements d’état. Les changements internes susceptibles de corriger un changement externe s’appellent déplacements du corps en bloc ; les autres s’appellent changement d’attitude.

Soient maintenant α et β deux changements externes, α’ et β’ deux changements internes. Supposons que α puisse être corrigé soit par α’, soit par β’ ; et que α’ puisse corriger soit α, soit β ; l’expérience nous apprend alors que β’ peut également corriger β. Dans ce cas nous dirons que α et β correspondent au même déplacement et de même que α’ et β’ correspondent au même déplacement.

Cela posé, nous pouvons imaginer un continu physique que nous appellerons le continu ou le groupe des déplacements et que nous définirons de la façon suivante. Les éléments de ce continu seront les changements internes susceptibles de corriger un changement externe. Deux de ces changements internes α’ et β’ seront regardés comme indiscernables : 1o s’ils le sont naturellement, c’est-à-dire s’ils sont trop voisins l’un de l’autre ; 2o si α’ est susceptible de corriger le même changement externe qu’un troisième changement interne naturellement indiscernable de β’. Dans ce second cas, ils seront pour ainsi dire indiscernables par convention, je veux dire en convenant de faire abstraction des circonstances qui pourraient les faire distinguer.

Notre continu est maintenant entièrement défini, puisque nous connaissons ses éléments et que nous avons précisé dans quelles conditions ils peuvent être regardés comme indiscernables. Nous avons ainsi tout ce qu’il faut pour appliquer notre définition et déterminer combien ce continu a de dimensions. Nous reconnaîtrons