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Et pourtant le plus souvent on dit que l’œil nous donne le sentiment d’une troisième dimension, et nous permet dans une certaine mesure de reconnaître la distance des objets. Quand on cherche à analyser ce sentiment, on constate qu’il se réduit soit à la conscience de la convergence des yeux, soit à celle de l’effort d’accommodation que fait le muscle ciliaire pour mettre l’image au point.

Deux sensations rouges affectant le même point de la rétine ne seront donc regardées comme identiques que si elles sont accompagnées d’une même sensation de convergence et aussi d’une même sensation d’effort d’accommodation ou du moins de sensation de convergence et d’accommodation assez peu différentes pour ne pouvoir être discernées.

À ce compte, la coupure est elle-même un continu et la coupure a plus d’une dimension.

Mais il arrive justement que l’expérience nous apprend que, quand deux sensations visuelles sont accompagnées d’une même sensation de convergence, elles sont également accompagnées d’une même sensation d’accommodation.

Si alors nous formons une nouvelle coupure avec toutes celles des sensations de la coupure qui sont accompagnées d’une certaine sensation de convergence, d’après la loi précédente, elles seront toutes indiscernables et pourront être regardées comme identiques ; donc ne sera pas un continu et aura dimension  ; et comme divise il en résultera que en a une, deux et que l’espace visuel total en a trois.

Mais en serait-il de même si l’expérience nous avait appris le contraire et si une certaine sensation de convergence n’était pas toujours accompagnée d’une même sensation d’accommodation ? Dans ce cas deux sensations affectant le même point de la rétine et accompagnées d’un même sentiment de convergence, deux sensations qui par conséquent appartiendraient l’une et l’autre à la coupure pourraient néanmoins être discernées parce qu’elles seraient accompagnées de deux sensations d’accommodation différentes. Donc serait à son tour continu, et aurait une dimension (pour le moins) ; alors en aurait deux, trois et l’espace visuel total en aurait quatre.

Va-t-on dire alors que c’est l’expérience qui nous apprend que l’espace a trois dimensions, puisque c’est en partant d’une loi expérimentale que nous sommes arrivés à lui en attribuer trois ? Mais