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H. POINCARÉ. L’ESPACE ET SES TROIS DIMENSIONS.

notre corps reprennent par rapport à cet objet leur position relative initiale, il faut que ces diverses parties aient repris également leur position relative initiale les unes par rapport aux autres. Seuls les changements internes qui satisferont à cette dernière condition, seront susceptibles de corriger le changement externe produit parle déplacement de cet objet. Si donc la position relative de mon œil par rapport à mon doigt a changé, je pourrai bien ramener l’œil dans sa situation relative initiale par rapport à l’objet et rétablir ainsi les sensations visuelles primitives, mais alors la position relative du doigt par rapport à l’objet aura changé et les sensations tactiles ne seront pas rétablies.

2o Nous constatons également qu’un même changement externe peut être corrigé par deux changements internes correspondant à des sensations musculaires différentes. Ici encore je puis faire cette constatation sans savoir la géométrie ; et je n’ai pas besoin d’autre chose, mais je vais donner l’explication du fait en employant le langage géométrique. Pour passer de la position à la position je puis prendre plusieurs chemins. Au premier de ces chemins correspondra une série de sensations musculaires ; à un second chemin, correspondra une autre série de sensations musculaires qui généralement seront complètement différentes, puisque ce seront d’autres muscles qui seront entrés en jeu.

Comment suis-je amené à regarder ces deux séries et comme correspondant à un même déplacement  ? C’est parce que ces deux séries sont susceptibles de corriger un même changement externe. À part cela, elle n’ont rien de commun.

Considérons maintenant deux changements externes : α et β qui seront par exemple la rotation d’une sphère mi-partie bleue et rouge, et celle d’une sphère mi-partie jaune et verte ; ces deux changements n’ont rien de commun puisque l’un se traduit pour nous par le passage du bleu au rouge et l’autre par le passage du jaune au vert. Envisageons d’autre part deux séries de changements internes, et  ; ils n’auront non plus rien de commun. Et cependant je dis que α et β correspondent au même déplacement, et que et correspondent aussi au même déplacement. Pourquoi ? Tout simplement parce que peut corriger β aussi bien que α et parce que α peut être corrigé par aussi bien que par . Et alors une question se pose : si j’ai constaté que corrige α et β et que corrige α, suis-je certain que corrige également β ? L’expérience peut seule