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pace. Pour un être complètement immobile, il n’y aurait ni espace, ni géométrie ; c’est en vain qu’autour de lui les objets extérieurs se déplaceraient, les variations que ces déplacements feraient subir à ses impressions, ne seraient pas attribuées par cet être à des changements de position, mais à de simples changements d’état, cet être n’aurait aucun moyen de distinguer ces deux sortes de changements et cette distinction, capitale pour nous, n’aurait aucun sens pour lui.

Les mouvements que nous imprimons à nos membres ont pour effet de faire varier les impressions produites sur nos sens par les objets extérieurs ; d’autres causes peuvent également les faire varier ; mais nous sommes amenés à distinguer les changements produits par nos propres mouvements et nous les discernons facilement pour deux raisons : 1o parce qu’ils sont volontaires ; 2o parce qu’ils sont accompagnés de sensations musculaires.

Ainsi nous répartissons naturellement les changements que peuvent subir nos impressions en deux catégories que j’ai appelées d’un nom peut-être impropre : 1o les changements internes, qui sont volontaires et accompagnés de sensations musculaires ; 2o les changements externes, dont les caractères sont opposés.

Nous observons ensuite que parmi les changements externes, il y en a qui peuvent être corrigés grâce à un changement interne qui ramène tout à l’état primitif ; d’autres ne peuvent pas être corrigés de la sorte (c’est ainsi que quand un objet extérieur s’est déplacé, nous pouvons en nous déplaçant nous-mêmes nous replacer par rapport à cet objet dans la même situation relative de façon à rétablir l’ensemble des impressions primitives ; si cet objet ne s’est pas déplacé, mais a changé d’état, cela est impossible). De là une nouvelle distinction, parmi les changements externes : ceux qui peuvent être ainsi corrigés, nous les appelons changements de position, et les autres nous les appelons changements d’états.

Supposons, par exemple, une sphère dont un hémisphère soit bleu et l’autre rouge ; elle nous présente d’abord l’hémisphère bleu ; puis elle tourne sur elle-même de façon à nous présenter l’hémisphère rouge. Soit maintenant un vase sphérique contenant un liquide bleu qui devient rouge par suite d’une réaction chimique. Dans les deux cas la sensation du rouge a remplacé celle du bleu ; nos sens ont éprouvé les mêmes impressions qui se sont succédé dans le même ordre, et pourtant ces deux changements sont regardés par nous comme très