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H. POINCARÉ. L’ESPACE ET SES TROIS DIMENSIONS.

comme coupures un système d’éléments formant eux-mêmes un ou plusieurs continus, nous dirons que ce continu est à plusieurs dimensions.

Si pour diviser un continu , il suffit de coupures formant un ou plusieurs continus à une dimension, nous dirons que est un continu à deux dimensions ; s’il suffit de coupures, formant un ou plusieurs continus à deux dimensions au plus, nous dirons que est un continu à trois dimensions ; et ainsi de suite.

Pour justifier cette définition, il faut voir si c’est bien ainsi que les géomètres introduisent la notion des trois dimensions au début de leurs ouvrages. Or que voyons-nous ? Le plus souvent ils commencent par définir les surfaces comme les limites des volumes, ou parties de l’espace, les lignes comme les limites des surfaces, les points comme limites des lignes, et ils affirment que le même processus ne peut être poussé plus loin.

C’est bien la même idée ; pour diviser l’espace, il faut des coupures que l’on appelle surfaces ; pour diviser les surfaces il faut des coupures que l’on appelle lignes ; pour diviser les lignes, il faut des coupures que l’on appelle points ; on ne peut aller plus loin et le point ne peut être divisé, le point n’est pas un continu ; alors les lignes, qu’on peut diviser par des coupures qui ne sont pas des continus, seront des continus à une dimension ; les surfaces que l’on peut diviser par des coupures continues à une dimension, seront des continus à deux dimensions, enfin l’espace que l’on peut diviser par des coupures continues à deux dimensions sera un continu à trois dimensions.

Ainsi la définition que je viens de donner ne diffère pas essentiellement des définitions habituelles ; j’ai tenu seulement à lui donner une forme applicable non au continu mathématique, mais au continu physique, qui est seul susceptible de représentation et cependant à lui conserver toute sa précision.

On voit, d’ailleurs, que cette définition ne s’applique pas seulement à l’espace, que dans tout ce qui tombe sous nos sens, nous retrouvons les caractères du continu physique, ce qui permettrait la même classification ; il serait aisé d’y trouver des exemples de continus de quatre, de cinq dimensions, au sens de la définition précédente ; ces exemples se présentent d’eux-mêmes à l’esprit.

J’expliquerais enfin, si j’en avais le temps, que cette science dont je parlais plus haut et à laquelle Riemann a donné le nom d’Analysis