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H. POINCARÉ. L’ESPACE ET SES TROIS DIMENSIONS.

l’expérience brute, d’où une contradiction intolérable que l’on a levée par l’introduction du continu mathématique. Celui-ci est une échelle dont les échelons (nombres commensurables ou incommensurables ) sont en nombre infini, mais sont extérieurs les uns aux autres, au lieu d’empiéter les uns sur les autres comme le font, conformément à la formule précédente, les éléments du continu physique.

Le continu physique est pour ainsi dire une nébuleuse non résolue, les instruments les plus perfectionnés ne pourraient parvenir à la résoudre ; sans doute si on évaluait les poids avec une bonne balance, au lieu de les apprécier à la main, on distinguerait le poids de 11 grammes de ceux de 10 et de 12 grammes et notre formule deviendrait :

Mais on trouverait toujours entre et et entre et de nouveaux éléments et tels que :

,


et la difficulté n’aurait fait que reculer et la nébuleuse ne serait toujours pas résolue ; c’est l’esprit seul qui peut la résoudre et c’est le continu mathématique qui est la nébuleuse résolue en étoiles.

Jusqu’à présent toutefois nous n’avons pas introduit la notion du nombre des dimensions. Que voulons-nous dire quand nous disons qu’un continu mathématique ou qu’un continu physique a deux ou trois dimensions ?

Il faut d’abord que nous introduisions la notion de coupure, en nous attachant d’abord à l’étude des continus physiques. Nous avons vu ce qui caractérise le continu physique, chacun des éléments de ce continu consiste en un ensemble d’impressions ; et il peut arriver ou bien qu’un élément ne peut pas être discerné d’un autre élément du même continu, si ce nouvel élément correspond à un ensemble d’impressions trop peu différentes, ou bien au contraire que la distinction est possible ; enfin il peut se faire que deux éléments, indiscernables d’un même troisième, peuvent néanmoins être discernés l’un de l’autre.

Cela posé, si et sont deux éléments discernables d’un continu , on pourra trouver une série d’éléments

, , ……,