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L’ESPACE ET SES TROIS DIMENSIONS

§ 1. — Introduction.

Dans les articles que j’ai précédemment consacrés à l’espace, j’ai surtout insisté sur les problèmes soulevés par la géométrie non-euclidienne, en laissant presque complètement de côté d’autres questions plus difficiles à aborder, telles que celles qui se rapportent au nombre des dimensions. Toutes les géométries que j’envisageais avaient ainsi un fond commun, ce continuum à trois dimensions qui était le même pour toutes et qui ne se différenciait que par les figures qu’on y traçait ou quand on prétendait le mesurer.

Dans ce continuum, primitivement amorphe, on peut imaginer un réseau de lignes et de surfaces, on peut convenir ensuite de regarder les mailles de ce réseau comme égales entre elles, et c’est seulement après cette convention que ce continuum, devenu mesurable, devient l’espace euclidien ou l’espace non-euclidien. De ce continuum amorphe peut donc sortir indifféremment l’un ou l’autre des deux espaces, de même que sur une feuille de papier blanc on peut tracer indifféremment une droite ou un cercle.

Dans l’espace nous connaissons des triangles rectilignes dont la somme des angles est égale à deux droits ; mais nous connaissons également des triangles curvilignes dont la somme des angles est plus petite que deux droits. L’existence des uns n’est pas plus douteuse que celle des autres. Donner aux côtés des premiers le nom de droites, c’est adopter la géométrie euclidienne ; donner aux côtés des derniers le nom de droites, c’est adopter la géométrie non-euclidienne. De sorte que, demander quelle géométrie convient-il d’adopter, c’est demander : à quelle ligne convient-il de donner le nom de droite ?

Il est évident que l’expérience ne peut résoudre une pareille ques-