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Or si cette distinction n’a pas de sens en mathématiques, c’est peut-être parce que les propositions de cette science ne comportent ni sujet ni attribut ; que, par suite, elles n’établissent aucun rapport d’inclusion entre des concepts, et qu’elles échappent complètement aux règles de la syllogistique aristotélicienne. Nous craignons donc fort que la théorie logique du jugement géométrique ne soit à refaire.

En résumé, si nous avons été obligé, pour nous conformer aux méthodes rigoureuses et aux résultats les plus certains de la science moderne, d’écarter la plupart des postulats énoncés par M. Renouvier, nous avons essayé de prouver que le criticisme n’a rien à craindre de la géométrie générale, et qu’il n’a pas de raison pour la combattre. Quant aux considérations logiques et métaphysiques que nous venons d’opposer à l’esthétique transcendantale et à la théorie kantienne des postulats, il va sans dire que nous ne prétendons pas le moins du monde les avoir démontrées. Nous nous bornons à les indiquer brièvement au lecteur, et à les soumettre respectueusement au maître dont la pensée les a suscitées ; nous avons cru que la meilleure manière de lui rendre hommage était de discuter sa doctrine en toute liberté. Nous ne saurions trop le louer d’avoir perpétué parmi nous la tradition des grands philosophes qui ont cherché dans l’étude des mathématiques les fondements de leurs systèmes, et le remercier d’avoir appelé notre attention sur ces problèmes de critique scientifique, qui sont à la fois les plus difficiles et les plus attrayants pour le métaphysicien.

Louis Couturat.