Page:Revue de métaphysique et de morale - 1.djvu/78

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

manière toute géométrique dont les anciens concevaient et prouvaient des égalités que l’on formule aujourd’hui algébriquement ; nous pourrions ajouter aux exemples cités le théorème de Pythagore sur le carré de l’hypoténuse, dont on possède deux démonstrations, l’une géométrique, l’autre arithmétique. Mais nous ne pouvons insister sur ces considérations d’ordre historique, auxquelles M. Renouvier rattache une digression sur la mesure de l’incommensurable et du continu, qu’il juge contradictoire (§ VIII), sur la généralisation du nombre et sur la méthode des limites, qu’il déclare vicieuses (§ IX), et sur la mesure du cercle par Archimède au moyen de cette méthode (§ X). L’auteur y affirme de nouveau les principes bien connus de la critique de l’infini, sur laquelle M. Pillon avait écrit l’an dernier un article magistral. On nous permettra de ne pas nous arrêter sur cette théorie, qui n’est pas essentielle au sujet spécial qui nous occupe ; il faudrait un livre pour examiner et discuter à fond « la viciation de l’idée de nombre » et « la lutte des mathématiques contre l’incommensurable ».

XI. — M. Renouvier expose ensuite les sophismes de la géométrie générale. Le principe de la géométrie de Lowatchewski est la négation du postulatum d’Euclide : Par un point pris hors d’une droite, on ne peut mener qu’une parallèle à cette droite. Il en résulte que la somme des angles d’un triangle est plus petite que deux droits, et d’autant plus petite que les côtés sont plus grands. L’auteur raille agréablement les géomètres empiristes qui ont proposé de vérifier le postulatum d’Euclide par des mesures astronomiques, attendu que sur des triangles célestes l’écart entre la somme des angles et deux droits pourrait être sensible en raison de leurs dimensions ; mais il ne montre pas précisément pourquoi une telle vérification expérimentale est impossible.

XII. — M. Renouvier reproche d’abord aux métagéomètres une erreur en logique formelle : il les accuse de confondre le contradictoire et l’absurde. La négation du postulatum d’Euclide ne contredit pas les autres axiomes et postulats de la géométrie ordinaire, car alors on en pourrait déduire ce postulatum lui-même, et il ne serait plus un postulat ; elle n’est pas non plus contradictoire en soi, sans quoi le postulatum serait un jugement analytique, évident par lui-même. Donc une géométrie fondée sur la négation du postulatum d’Euclide associé aux autres principes de la géométrie euclidienne peut se développer sans contradiction intrinsèque ; ce qui n’empêche pas la négation du postulatum d’être absurde, c’est-à-dire de « contredire les principes régulateurs de l’entendement ». Ainsi l’absence de contradiction interne dans la géométrie de Lowatchewski ne prouve nullement que la négation du postulatum d’Euclide soit légitime, mais seulement que ce postulat est un jugement synthétique et indémontrable.

XIII. — La négation du postulatum d’Euclide entraîne l’impossibilité de la similitude : dans l’espace de Lowatchewski, deux figures ne peuvent être semblables que si elles sont égales. Il en résulte que la forme d’une figure dépend de sa grandeur : c’est pourquoi la somme des angles d’un triangle est d’autant plus petite que les côtés de ce triangle sont plus grands. Ainsi, dans la géométrie non euclidienne, les grandeurs ont une valeur absolue : tel triangle a tels angles, non seulement, comme dans l’espace euclidien,