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de la même synthèse : Tous les angles droits sont égaux entre eux. Comment se fait-il qu’Euclide ait postulé une proposition dont la démonstration paraît si facile aujourd’hui ? C’est qu’Euclide était un criticiste avant la lettre : il a distingué le ποσόν, la quantité fixe de l’angle droit, et le ποιόν, la figure que forme une droite avec une autre qu’elle rencontre perpendiculairement. Il a compris qu’on ne pouvait conclure analytiquement de l’identité de position de tous les angles droits à leur égalité d’ouverture ; et c’est pourquoi il a uni synthétiquement l’idée de la contenance angulaire à celle de perpendicularité ou d’égale inclinaison. Tous ceux qui ont depuis lors cru démontrer l’égalité des angles droits ont confondu deux choses distinctes entre lesquelles toute déduction est impossible : l’identité de position, qui constitue l’égalité géométrique des deux angles adjacents formés par la perpendiculaire, et l’identité de mesure, qui constitue leur égalité arithmétique.

VI. — Le postulat de perpendicularité que nous venons d’énoncer conduit à formuler celui des parallèles de la manière suivante : La somme des angles décrits par une droite qui tourne toujours dans le même sens autour d’un polygone convexe en s appliquant successivement sur tous ses côtés et en revenant à sa position initiale est égale à 4 droits[1]. Sous cette forme, qui parle à l’imagination, le postulat devient aussi évident que possible, par l’analogie qu’il offre avec le théorème connu : La somme des angles formés dans un plan autour d’un point est égale à 4 droits. Ainsi présenté, le postulat de la circonvolution a l’avantage de faire ressortir la synthèse d’une notion de figure (le tour de l’horizon) avec une certaine quantité, à savoir 4 angles droits.

VII — Mais le postulat fondamental, le postulat type, pour ainsi dire, est cet axiome d’Euclide : Les figures qui coïncident entre elles sont égales. C’est un véritable jugement synthétique, concluant « de l’identité de figure à l’égalité de mesure numérique. Nulle analyse ne peut nous apprendre que le même de figure est aussi le même de quantité. » Loin d’impliquer l’égalité numérique, qu’on appelle équivalence, l’identité de figure n’en est qu’un cas très particulier : « L’égalité est le genre dont l’identité de figure est une espèce ». Encore faut-il bien remarquer que l’identité de figure ne rentre dans l’égalité que par une synthèse, qui est le postulat de la mesure géométrique. Ce postulat est en quelque sorte la racine des quatre postulats précédemment énumérés, qui définissent : 1° la mesure de la distance par la ligne droite ; 2° la mesure des longueurs respectives de deux lignes qui s’enveloppent l’une l’autre ; 3° la mesure de l’espace angulaire plan autour d’un point par les angles que forment deux droites qui s’y coupent perpendiculairement ; 4° la mesure du même espace angulaire plan par la révolution d’une droite sur un contour polygonal.

Le paragraphe précédent contient des réflexions fort curieuses sur la

  1. Nous avons substitué la rotation d’une droite à celle d’un point, que considère M. Renouvier, et qui n’olTre aucun sens. — Appliquée au triangle, cette proposition devient le théorème connu : La somme des angles d’un triangle est égale à 2 droits, que Legendre a essayé de démonlrer indépendamment du poslulatum d’Euclide, pour en déduire ensuite celui-ci. (Géométrie, 14e édition.)