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tons pas qu’il y ait une contradiction dans l’idée de deux corps en contact ; ce que nous prétendons, c’est que la contradiction se retrouve dans l’idée même de causalité, et que, par suite, l’on ne peut supprimer l’idée de contact sans supprimer du même coup l’idée de causalité. L’une et l’autre idée se ramènent en effet à celle d’une relation entre deux réalités : et voilà la notion confuse dont le sens commun irréfléchi peut seul s’accommoder. De là l’abstraction du mathématicien qui néglige l’élément : réalité, pour ne s’attacher qu’à l’élément : relation, qui spécule sur l’idée de mesure sans prendre en considération les objets à mesurer, qui étudie, non des corps se limitant réciproquement, mais l’idée même de limite, le pur contact. De son côté, le philosophe ne peut s’en tenir, ni à cette abstraction conventionnelle, ni, à plus forte raison, au point de vue confus et préscientifique du sens commun. À ses yeux, expliquer l’univers de la perception sensible, c’est y découvrir, par l’analyse, une dualité — vérité et réalité, réflexion scientifique et intuition empirique, — c’est le résoudre, au sens étymologique de ce mot.

Enfin même mode de raisonnement encore, et nous ajouterons : même sophisme, lorsque M. Fonsegrive cherche à démontrer qu’il est possible, et nécessaire, d’atteindre, en vertu du principe de causalité, une cause première. Voici un des arguments de M. Fonsegrive : « Le monde ne peut pas être conçu comme une suite d’événements toujours différents les uns des autres : car le nombre des combinaisons possibles des atomes est fini avec un nombre fini d’atomes, et le nombre des atomes ne peut sans contradiction être infini » (p. 1). — Pourquoi ce détour ? Et s’il est vrai de dire que « le nombre des atomes ne peut sans contradiction être infini », n’est-il pas vrai de dire, plus directement, qu’une succession de causes et d’effets ne peut sans contradiction être infinie ? Mais, de part et d’autre, la question reste de savoir si l’univers ne devra pas être représenté comme constitué, soit par une succession infinie de causes et d’effets, soit par un nombre infini d’atomes, quand bien même cette représentation serait contradictoire. Il est incontestable, semble-t-il, que, peu importe le point de vue auquel on l’envisage, l’univers physique est infini : l’espace est infini, le temps est infini, le nombre des atomes infini, la série des causes infinie. L’idée d’infini est-elle contradictoire, c’est donc que l’univers physique est une alliance d’éléments hétérogènes, irréductibles l’un à l’autre : de l’impossibilité de les totaliser résulte peut-être ce que nous appelons l’infinité de l’univers.

Mais si c’est pour avoir ignoré la distinction fondamentale qu’il faut opérer entre la vérité abstraite et la réalité sensible que M. Fonsegrive n’a pas su atteindre une conception nette de la science, de la métaphysique, et des rapports de la science avec la métaphysique, cette distinction est, semble-t-il bien, la conclusion à laquelle amène naturellement l’emploi de la méthode critique, et Kant ne voulait pas dire autre chose, lorsqu’il écrivait que l’entendement fait la nature, mais qu’il ne la crée pas. Nous ne saurions donc mieux conclure qu’en examinant les passages où M. Fonsegrive s’attaque directement à la théorie transcendenlale de la causalité. Deux objections sont successivement présentées (p. 53-55). M. Fonsegrive