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vue de la loi, qui embrasse à la fois la cause et l’effet. Seulement il ne prétend pas, avec les positivistes, que la recherche des lois doive exclure la recherche des causes ; — car la loi est la cause ; une loi est un système de pensées, et un système de pensées implique un esprit qui le pose. « Il faut que la loi ait une réalité au moins égale à celle des éléments qu’elle unit, car ce qui explique ne doit pas être inférieur à ce qui est expliqué » (p. 147). Nous pouvons dès lors, sans courir le risque de réduire la nature à un pur tissu d’abstractions, définir la substance comme « la loi selon laquelle les qualités sont unies », — et « l’essentielle et commune nature des choses comme une pensée » (p. 159). La sympathie et l’amour expriment cette unité fondamentale des êtres, dans la mesure où croît la conscience de cette communauté d’essence. Telle est la portée morale du système : « Socrate avait raison de dire qu’il ne savait que la science de l’amour ; c’est qu’en possédant cette science il possédait la raison de toutes » (p. 160).

« Critiquer l’auteur de la Critique de la Raison pure, écrit quelque part M. Fonsegrive, est certainement une entreprise ardue. Nous l’essayerons cependant » (p. 53). Et de fait M. Fonsegrive est un anti-kantien systématique. Il ne se propose pas de soumettre le réel, tel que le sens commun le fournit, à l’épreuve de la critique philosophique ; le réel est pour lui un absolu, l’objet d’une « constatation immédiate » qui sert de fondement à tout le système : en ce sens, M. Fonsegrive est délibérément un réaliste. Mais, en même temps, il fait hautement profession d’idéalisme. « Il n’y a, écrit-il, continuité de l’ancien et du nouveau, du passé et du présent, du présent et de l’avenir, causalité véritable, que là où il y a pensée » (p. 33). Et c’est dans l’idée d’effort qu’il espère avoir découvert le point de contact entre le réel et la pensée. Car, d’une part, l’effort est une donnée réelle, que la conscience saisit sans intermédiaire logique, — il est la réalité même du temps, c’est lui qui permet aux moments successifs de la durée de se succéder sans interruption ni lacune. D’autre part, nous reconnaissons, par l’analyse des cas d’effort mental, ou d’attention, que l’effort est au fond identique à la pensée. L’identité de la pensée et de l’être est donc perçue, selon M. Fonsegrive, par un acte de conscience immédiate. — Or, cela est-il concevable ? N’est-ce pas le fondement même de la philosophie de M. Fonsegrive qui la rend tout entière chancelante ? N’y a-t-il pas ici une confusion radicale qu’il serait nécessaire en bonne méthode de démêler ? C’est ce que nous allons très brièvement tenter de faire.

On nous dit : c’est sur le type de l’effort qu’il faut concevoir la liaison de l’effet à sa cause. Mais l’erreur est de croire que la liaison, une fois conçue sur le type de l’effort, cesse d’être empirique. Car une constatation immédiate est nécessairement une constatation de fait ; et si c’est seulement en fait que je constate la succession du temps au temps, du présent au passé, de l’avenir au présent, les objections du sceptique subsistent : comment peut-il y avoir action de ce qui n’est plus sur ce qui est, ou de ce qui est sur ce qui n’est pas encore ? Dire que cette action est un effort, une volition, ce n’est pas encore en fournir une justification logique. Que l’on veuille démontrer une proposition, que l’on veuille atteindre un résultat,