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litative des mêmes phénomènes ? D’abord le fait qu’une chose existe est une raison logique pour qu’elle continue d’exister ; en suite nous arrivons naturellement à projeter au dehors notre tendance fondamentale à persévérer dans l’être. Ainsi l’idée d’uniformité n’est pas seulement, comme le soutient l’école de Hume, acquise par l’observation objective, mais donnée par le processus de la conscience même. L’expérience vient ensuite confirmer notre attente « à la fois logique, mathématique, et psychologique » de l’uniformité.

Le principe de causalité efficiente complète celui de raison en posant, à côté de la notion de l’intelligible, la notion du réel. Il faut distinguer la causalité immanente qui n’est que l’activité proprement dite et la causalité efficiente et transitive. L’idée de la première nous est directement fournie par la conscience que nous avons de notre volonté. L’idée de la seconde ne l’est pas : c’est le point à retenir de la critique de Hume. Constituée par la notion d’une relation contraignante entre un agent et un patient, nous la devons au sentiment que nous éprouvons, d’une part, d’une contrainte, d’une nécessité subjective dans la succession de nos états passifs, d’autre part, de la contrainte exercée par nous dans le désir. Par un phénomène de projection spontanée, nous transportons aux autres objets cette succession de changements actifs et passifs que nous trouvons en nous-mêmes (II, 174), Aussi le principe de causalité efficiente n’a-t-il pas la dignité d’un axiome. Il n’a qu’une valeur inductive et analogique.

Le principe de finalité ne doit pas être compté au nombre des principes constitutifs de la connaissance. La critique de la théorie de la finalité chez M. Lachelier conduit M. Fouillée à conclure que le principe des causes finales n’a pas ce caractère d’une nécessité de la vie qui se manifeste dans ceux d’identité et de raison suffisante, mais n’est qu’une simple hypothèse fondée sur une extension au dehors de notre expérience intérieure.

Quant aux idées de substance, de réalité en soi et d’inconnaissable, d’absolu, de vérité absolue et universelle, d’infini et de perfection, point n’est besoin de leur chercher une origine transcendante dans une « conscience intellectuelle » : elles ne sont constituées que d’éléments empruntés à la conscience sensible et élaborés par elle. M. Fouillée s’attache à montrer le processus qui les forme ainsi que leur rôle dans l’évolution.

La conclusion à tirer du débat sur la genèse des idées est la reconnaissance de l’insuffisance radicale du réalisme matérialiste dont M. Fouillée fait une critique juste et concise. D’autre part, il faut renoncer aussi à admettre une faculté des « idées » pures et même une faculté des « formes » a priori. Les formes de notre pensée se ramènent, comme nous l’avons vu, à des fonctions de notre volonté primordiale. Elles créent la nécessité subjective et, celle-ci une fois projetée au dehors, la nécessité et l’universalité objectives. Et quant à l’accord de la pensée et de ses objets, l’hypothèse qui l’explique le plus simplement, c’est le monisme, entendons le monisme idéaliste. À une époque où de bons esprits sont pris d’une sorte de vertige du réalisme, il est heureux qu’un philosophe de la valeur de M. Fouillée soutienne que « au dehors de nous rien ne doit être étranger à la pensée et à la volonté et tout en doit envelopper le germe ».

Livre sixième. — La psychologie des idées-forces, étant, en définitive, une