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ils cherchent dans la conscience de la similarité la force qui associe les idées : celles-ci doivent originairement se lier par l’effet de la contiguïté cérébrale. La force qui dans le cerveau soude entre elles les représentations est originairement mécanique : c’est la persistance de l’énergie et la continuité du mouvement qui se transmet toujours à des parties contiguës (p. 214). Cette contiguïté, d’ailleurs, implique toujours, en vertu de l’organisation acquise du cerveau par la classification automatique des impressions, une certaine similarité. De là cette loi essentielle de l’association : si toute représentation tend à s’agréger avec les impressions semblables, c’est en vertu de l’identité structurale de leur siège dans le cerveau ou en vertu de la connexion établie entre deux centres différents (p. 217). Si, quittant le point de vue en quelque sorte statique, nous considérons le cours des idées, leurs relations d’exclusion mutuelle, et la possibilité du mouvement vers les idées différentes, il faut faire intervenir, à côté des lois purement mécaniques, les lois physiologiques de l’épuisement nerveux sur un point, corrélatif à une réserve de force sur un autre. Mais sous ce mécanisme existe, comme ressort de ce mécanisme même, l’association des impulsions et des émotions qui a lieu selon les mêmes lois que l’association des idées. Seulement, ici, l’association par contiguïté est purement extrinsèque et superficielle : les vraies lois sont celle de la similarité et celle du contraste et elles se ramènent à la loi vraiment essentielle de l’identité de la volonté avec elle-même, « à l’identité de l’action et au contraste primitif de l’action avec la résistance extérieure ». Ce qui est, selon M. Fouillée, vraiment déterminant dans l’association des idées, c’est l’émotion et l’appétition : elles s’enchaînent selon leur rapport d’adaptation à nos sentiments. La loi même de similarité, dit-il, au lieu d’être tout intellectuelle se confond avec la loi qui veut que l’être sensible tende à son plus grand plaisir : car la similarité, en permettant la plus grande activité avec le moindre effort, produit par cela même du plaisir. Et si les contrastes nous plaisent, c’est qu’ils ont lieu au sein de la ressemblance et la font ressortir : ils nous donnent à la fois la jouissance de l’ancien et celle du nouveau, distinctes et cependant unies (p. 224).

À côté du lien automatique créé par la contiguïté et la similarité, entre dans la synthèse mentale un nouveau facteur avec l’aperception de la similarité qui développe une réaction appétitive et intellectuelle. Celle-ci, inséparable d’ailleurs de la réaction cérébrale, permet à l’intelligence de progresser en opérant une sélection dans les ressemblances qu’elle recherche pour elles-mêmes et en rendant possible, d’autre part, la dissociation mentale, c’est-à-dire l’analyse. La conscience est donc dans ce domaine aussi une véritable force et non un pur reflet passif, un épiphénomène du mécanisme : « elle est l’intérieur dont le mécanisme est l’extérieur ».

Avec la conservation et la reproduction des images nous n’avons encore étudié que les préliminaires du souvenir. C’est la reconnaissance, avec le rapport au passé qu’elle implique, qui est l’opération vraiment constitutive de la mémoire. Pour que la reconnaissance ait lieu, deux conditions sont nécessaires : 1° le jugement que l’image est une simple image, distincte d’une perception. Cette distinction s’opère grâce à une classification spon-