Page:Revue de métaphysique et de morale - 1.djvu/590

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

intérieures et subjectives ; elle n’est pas l’observation, elle n’est pas la réflexion, elle n’est pas la pensée, elle n’est pas la connaissance ; elle est la fonction psychique considérée dans son caractère de subjectivité irréductible (p. xxxi). — Une seconde preuve de l’activité psychique, c’est l’essentielle intensité des états psychiques. Il est impossible de réduire, comme on l’a tenté, l’intensité à la qualité. Le caractère dynamique est tellement inhérent aux états mentaux, qu’on peut le considérer, avec Kant, comme une anticipation de la perception. Après avoir ainsi caractérisé la position qu’il prend en psychologie, M. Fouillée s’attache, dans un premier volume, à étudier les différentes manifestations de la vie sensible proprement dite : sensation, émotion, réaction motrice, et à établir l’universalité du processus appétitif, principe qui domine toute la psychologie des idées-forces.

Le premier livre est consacré à montrer que la sensation, dans sa genèse et dans son développement, est fonction de l’appétit. D’abord dans sa genèse : considérée en elle-même ou dans son effet le plus immédiat et le plus primitif, la sensation est une modification de cette activité appétitive qui constitue la vie et toute sensation complexe résulte d’une série d’actions et de réactions entre l’appétit intérieur et le milieu extérieur (p. 7). C’est l’appétit également, sous la forme du vouloir-vivre, qui explique le développement, des sensations, d’abord leur passage de la sourde cœnesthésie originelle, ou de l’homogénéité, à la sensibilité à la chaleur, à la lumière, au son, etc., c’est-à-dire à l’hétérogénéité, ensuite le triage des sensations avantageuses qui seules s’actualisèrent parmi l’indéfinité des sensations possibles. Car la loi primitive de l’appétit est de déployer le plus d’énergie avec la moindre peine et par cela même d’obtenir le maximum de jouissance avec le minimum de souffrance (p. 7). Ainsi nos sens sont des organes « de sélection », non d’une sélection purement mécanique, mais qui a pour facteurs le milieu externe et le vouloir-vivre, ou la réaction appétitive interne.

Les caractères de la sensation confirment cette théorie qui pose la réalité d’une force mentale. En effet, outre une durée et un élément d’extensivité, la sensation a une intensité et une qualité spécifique qui ne peuvent se réduire à de pures relations ; de plus, elle a un rapport étroit avec un mouvement particulier qui toujours la précède, l’accompagne et la suit. De ces caractères, il résulte que la sensation est la révélation d’une force qui agit en conflit ou en concours avec les forces extérieures (p. 46). Ainsi, il faut rejeter l’épiphénoménisme, et loin que dans le monde le mouvement soit l’essentiel et la conscience l’accessoire, l’hypothèse probable est que le mouvement est une transposition des éléments sensationnels et appétitifs en langage visuel et tactile, qu’il est un extrait des sensations mêmes et appétitions, et une expression spatiale de leurs rapports.

Livre deuxième. — L’émotion dans son rapport à l’appétit et au mouvement. — L’auteur commence par établir l’insuffisance du darwinisme qui explique — encore imparfaitement — les rapports du plaisir et de la douleur, une fois donnés, avec la vie individuelle et spécifique, mais ne nous apprend rien sur la nature du plaisir et de la douleur mêmes, sur leurs conditions, leurs causes immédiates. Physiologiquement, la condition du plaisir est le travail positif de dépense du nerf, tant qu’il n’excède pas une certaine limite ; la