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ou bien ΔP oscillera entre des limites comprises entre zéro et P’, et le système décrira… une série de cycles fermés. » Ce dilemme n’est pas concluant, car il omet précisément le cas-limite que nous venons d’exposer, où le potentiel, tout en variant toujours dans le même sens, ne dépasse jamais la valeur constante de l’énergie totale, mais tend indéfiniment vers elle, et ne l’atteint qu’au bout d’un temps infini. En effet, l’énergie potentielle du pendule (– mgh), variant en sens inverse de la force vive , est maxima quand la force vive est minima, c’est-à-dire au plus haut point de la course du point M (minimum de h et de v). Or dans le cas particulier où le plan Π passe par P, la vitesse et, par suite, la force vive du pendule s’annulent en ce point ; le maximum de l’énergie potentielle est alors égal à l’énergie totale ; donc quand le point M s’approche indéfiniment du point P le potentiel croît constamment et a pour limite l’énergie totale.

Malgré ce manque de rigueur, la proposition de M. Weber n’est pas absolument fausse : elle est au contraire vraie, en général et « en gros », car elle n’est qu’une forme inexacte du « théorème de la phase », auquel M. Poincaré fait allusion dans l’article qu’on a lu ci-dessus. Ce théorème peut s’énoncer comme suit : « Un système conservatif repasse une infinité de fois par la même phase, c’est-à-dire dans le voisinage de l’un quelconque de ses états »[1]. Il en résulte évidemment que le mouvement d’un tel système est périodique, car s’il ne repasse pas exactement par les mêmes états, il repasse du moins par des états très voisins de ses états antérieurs, de sorte que chaque période diffère très peu de la précédente. Il ne faut pas oublier que ce théorème comporte des exceptions, comme le prouve le cas particulier que nous avons étudié dans le mouvement du pendule. Mais comme ces cas exceptionnels sont infiniment peu probables (ainsi qu’on le voit par l’exemple du pendule), on peut dire qu’en général le principe de la conservation de l’énergie entraîne la périodicité, sinon parfaite, au moins approximative, du mouvement d’un système isolé.

Il semble donc que M. Weber ait raison sur le fond de la question ; et en effet, la contradiction qu’il a entrevue dans les « premiers principes » de la physique évolutionniste, paraît revenir, en dernière analyse à celle que M. Poincaré signalait plus haut entre les deux principes de la thermodynamique. En vertu du premier (principe de l’énergie), tous les phénomènes sont réversibles, en tant que soumis aux lois de la mécanique, qui permettent de changer le signe du temps, c’est-à-dire l’avenir en passé, autrement dit de renverser toutes les vitesses d’un système et de lui faire parcourir en sens inverse tous ses états antérieurs. En vertu du second (principe de l’entropie), les phénomènes thermiques sont irréversibles ; la chaleur

  1. Voici comment on peut formuler rigoureusement ce théorème : Étant donné un état quelconque du système, qu’on peut toujours considérer comme initial, concevons chacun de ses points comme le centre d’une petite sphère. Le théorème de la phase signifie que le système passera par une infinité d’états tels, que chacun de ses points se retrouve, sinon dans sa position initiale, du moins dans la petite sphère qui l’entoure, et avec une vitesse très voisine de celle qu’il avait dans l’état initial.