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définit cette idée, prise en elle-même, Hégel ne nous autorise à croire, par les expressions qu’il emploie, qu’elle soit affranchie de toute relation à l’expérience.

Au degré qui précède immédiatement l’idée absolue — celui de la connaissance et de la volonté communes — il est évident que la pensée ne se suffit pas à soi-même, car il est certain que nous ne pouvons, dans la vie quotidienne, ni penser ni agir sans quelques données immédiates. Or c’est en faisant « l’unité de l’idée théorique et de l’idée pratique, et, par conséquent, en même temps, l’unité de la vie et de l’idée de connaissance que nous passons à l’idée absolue ». Mais certainement dans l’idée de vie, la pensée n’est pas représentée comme se suffisant à soi-même, puisque une des caractéristiques essentielles de cette catégorie est que l’âme y est posée en relation avec un corps, ce qui implique la sensation. Or l’idée absolue est la synthèse de cette catégorie et de la catégorie de connaissance. Des deux côtés la pensée est médiate. Comment peut-elle être immédiate dans la synthèse ? C’est parce qu’elle insiste sur un côté de la thèse et sur l’autre côté de l’antithèse, que la synthèse a pour effet de les réconcilier. Elle ne peut donc, à travers la dialectique tout entière, faire de progrès sur la thèse et l’antithèse que là où elles sont en désaccord l’une avec l’autre. Sans doute Hégel pourra atteindre, dans l’esprit absolu, un être qui n’a besoin de nulle médiation extérieure et qui se suffit à lui-même : mais c’est que l’esprit absolu est une synthèse de la logique qui procède par médiation, et de l’élément immédiat que fournit la nature. Mais sur le domaine de la logique les catégories finies et médiates excluent toujours l’élément immédiat que néanmoins elles impliquent ; l’opposition du médiat et de l’immédiat ne peut donc, sans que l’on sorte de la logique, être dépassée et vaincue.

L’idée absolue est définie par Hégel « la vie rendue identique au concept ». Comme c’est une caractéristique essentielle de la catégorie de vie qu’en elle la notion est seulement médiate, est-il probable que Hégel eût employé pareille expression, si cette caractéristique devait disparaître dans l’idée absolue ? Dans l’idée absolue, nous est-il dit, « l’idée devient l’objet du concept de l’idée ». Cela veut-il dire que la pensée désormais n’appelle plus une médiation étrangère ? Nullement, selon nous, mais bien plutôt que ce qui est donné immédiatement à la pensée pour être soumis à sa médiation, est encore de la pensée, quoique toujours donné immédiatement. En d’autres