eudoxe. — Ne m’accordez rien, et prenons plutôt la question d’un autre côté.
ariste. — De quel côté ?
eudoxe. — Direz-vous qu’un objet est distant pour vous au moment même où vous le percevez ?
ariste. — Je puis le dire, le clocher est distant ; je le vois éloigné.
eudoxe. — Pour lequel de vos sens est-il distant ?
ariste. — Assurément pour le toucher.
eudoxe. — Et pour votre vue, est-il vraiment distant, ou n’est-ce pas plutôt que vous jugez par la vue qu’il est distant pour votre toucher ?
ariste. — Vous dites vrai.
eudoxe. — Ne dirons-nous pas aussi que ce qui est distant pour un sens, c’est ce qu’il ne perçoit pas, et ce qui est non distant, ce qu’il perçoit ?
ariste. — Nous le dirons.
eudoxe. — Comment donc ce clocher serait-il distant pour ma vue, si je le vois ?
ariste. — Il est en effet non distant pour ma vue tant que je le vois.
eudoxe. — Ce qui est distant pour un sens n’est donc pas perçu par ce sens ?
ariste. — Non.
eudoxe. — En sorte que mon œil ne saurait percevoir un objet comme distant pour lui. Car cet objet, étant perçu par l’œil, sera non distant pour l’œil.
ariste. — Assurément.
eudoxe. — Prenons maintenant pour certain le contraire de ce que nous accordions tout à l’heure.
ariste. — Quoi donc ?
eudoxe. — Nous disions qu’il semblait que l’œil immobile ne pouvait rien percevoir. Posons maintenant que l’œil immobile peut percevoir quelque chose. Ce qu’il percevra aura une étendue, n’est-pas ?
ariste. — Sans doute.
eudoxe. — Dans cette étendue, je puis considérer deux points qui seront distants l’un de l’autre.
ariste. — Assurément.
eudoxe. — Ces deux points seront non distants pour ma vue,