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traire, tout se passe parfois comme si le mental était cause ; la douleur peut tuer en tant que douleur. Il y a peut-être un état cérébral qui correspond alors à la douleur, et expliquerait, si nous le connaissions, matériellement la mort ; mais cet état nous l’ignorons, et pratiquement, au point de vue de l’explication et de la prévision des faits, c’est une hypothèse oiseuse que de l’affirmer ; c’est une traduction hypothétique sans précision et dont il n’y a rien à tirer, au lieu que le déterminisme psychique est ici la traduction des faits, seule utile et féconde. On distingue en physiologie, dans l’étude de la digestion, par exemple, les phénomènes mécaniques chimiques, vitaux ; et on n’essaie pas de ramener, pour le moment du moins, l’influence nerveuse à une affinité chimique : identification peut-être possible en soi, mais encore oiseuse à supposer actuellement. Le dialecticien est celui qui substitue à une dualité seule connue et utile à connaître, une unité hypothétique, philosophiquement vraie peut-être, mais scientifiquement et pratiquement vaine. M. Ribot appartient donc encore à la période que I’on peut appeler héroïque de la psychologie positive, celle où les idées s’affirment dans leur simplicité, celle aussi de la lutte où elles s’exagèrent pour s’opposer.

Cette période de la lutte a été aussi celle de l’imitation. La période de ma urite pour une science ne commence pas du jour où elle s’affranchit de la métaphysique ; il faut encore que le degré et la nature de la certitude qui lui est propre aient été exactement déterminés. Elle se sert alors des autres sciences librement et conformément à ses propres besoins. Maturité signifie autonomie. C’est ainsi que le physicien se sert sans s’y asservir des mathématiques pour formuler les vérités qu’il découvre.

Or la psychologie nous paraît être demeurée entre les mains des empiriques dans une période intermédiaire, entre la période métaphysique et la période de l’autonomie, qui est aussi celle de la critique : c’est ce que nous appelons la période de l’imitation, que l’on retrouverait peut-être ailleurs — particulièrement dans l’histoire des mathématiques dans leurs rapports avec la physique, et aussi de la physiologie, dans ses rapports avec la mécanique et les sciences physico-chimiques. — Cette période, qui est à la fois celle des tâtonnements et de la création, est caractérisée par l’emprunt indiscret, fait à une science voisine déjà constituée, de ses concepts, de ses procédés. Ce qui détermine cette imitation, c’est, outre le sentiment des avantages réels résultant du concours de deux sciences, le prestige naturel d une science faite de certitude et de méthodes définies. El ce qui caractérise la science ainsi asservie, c’est la trop grande généralité ou la précision artificielle de certaines propositions ; le respect quelque peu pédantesque des méthodes et des aphorismes fondamentaux de la science-type.

Si la psychologie ne s’est pas encore élevée à l’état positif, ce n’est pas comme pensent les empiriques, qu’elle n’ait pas pris encore la forme des sciences constituées telles que la physiologie ; c’est au contraire qu’elle a essayé gauchement d’emprunter à ces sciences un mode de certitude inapplicable à une partie des faits qu’elle embrasse. Au lieu de se servir librement des autres sciences pour se les accommoder selon les cas et selon ses besoins, elle a essayé, par une sorte de placage — qu’on nous passe l’expres-