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vraie doit être cherché dans la pensée elle-même et déduit de la nature de l’intelligence. » (Ed. Van Vloten et Land, t. I, p. 24.) La pensée se suffit donc à elle-même, en sorte qu’on pourrait affirmer d’elle ce qui a été dit au sujet de l’intelligence divine : elle est indépendante de son objet, elle lui préexiste et le crée en le concevant (I, 24). De là se conclut aussi la nature de la vérité : puisqu’elle réside dans l’esprit et ne dépend que de lui, il faut qu’au sein de l’esprit elle soit déjà par elle-même quelque chose. La vérité de l’idée vraie ne résulte pas d’une relation de convenance entre cette idée et son objet ; ce n’est pas une qualité accidentelle et passagère, comme si une idée pouvait exister avant d’être vraie, et à un moment donné recevoir d’ailleurs la vérité ; c’est une propriété inhérente et constitutive. La vérité est intérieure au vrai. Il y a donc dans toute idée vraie, quelque chose par quoi elle est vraie, quelque chose qui est indépendant de tout ce qui n’est pas la pensée, qui est en soi une réalité d’un ordre distinct. « Le cercle est une chose, l’idée du cercle en est une autre ». (I, 11.) « L’idée du cercle n’a ni périphérie ni centre comme le cercle, l’idée d’un corps n’est pas un corps ». « Pierre est quelque chose de réel, et l’idée de Pierre est en soi quelque chose de réel, entièrement distinct de Pierre lui-même. » (I, 12.) L’idée, dit encore Spinoza, est une essence objective ; cette essence, étant réelle en soi, est intelligible par soi, c’est-à-dire que la raison d’être en doit être cherchée, non pas dans l’essence de l’objet dont elle est absolument indépendante, mais dans une essence de même ordre, idéale comme elle. Il n’y a de relation intelligible qu’entre une idée et une idée. L’activité de l’intelligence est donc à la fois ce qui justifie et fonde la connaissance, comme aussi ce qui l’étend et l’achève, activité spontanée et parfaite en soi, dont le développement n’a d’autre origine ni d’autre fin que ce développement même, de sorte que la vérité, envisagée dans sa totalité, forme comme un monde, absolument délimité et se suffisant à lui-même, ce que l’on appelle un système clos.

Par là, le problème de la méthode se trouve posé dans des termes si simples qu’il est résolu en même temps que posé. En effet la vérité étant une dénomination intrinsèque, et non extrinsèque, de la connaissance, il n’y a pas en dehors de cette connaissance un signe auquel on puisse la reconnaître ; l’unique critérium de la vérité, c’est la vérité même ; donc la véritable méthode ne consiste pas dans la découverte d’un signe qui permette de discerner la vérité d’une