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inconscient est une contradiction, si l’on s’en tient aux formes du langage, mais par la faute du langage seul qui reflète les origines confuses de la pensée. Aussi bien l’opposition de deux métaphores nous suffit-elle ordinairement à distinguer, et à concilier par suite, les deux sens du mot conscience : nous disons qu’une idée est dans le champ de la conscience, sans être saisie par le regard de la conscience. Un fait psychologique inconscient ne diffère pas en nature d’un fait de conscience ; il a pu être aperçu par la conscience, et il pourra l’être de nouveau, en ce moment il ne l’est pas ; au delà des idées que je découvre actuellement en moi, il y a encore des idées, comme au delà de mon horizon visuel il y a des objets que je ne vois pas, mais qui n’en sont pas moins visibles.

L’inconscient psychologique est donc possible. Est-il réel ? Autant que la conscience, dont on peut démontrer qu’il est une condition nécessaire. En effet quelles sont, suivant M. Desdouits lui-même, les conditions essentielles de la conscience : « Elles se réduisent à deux, qui sont comprises analytiquement dans le concept de conscience : 1° il faut être capable de l’action pour pouvoir être conscient, 2° il faut être capable de connaître son mode d’action, et la nature de l’objet sur lequel cette action s’exerce » (p. 78). La conscience se définit donc la connaissance de l’activité psychique, elle ne peut se confondre avec cette activité, car sans distinction du sujet et de l’objet il ne peut plus y avoir de connaissance, elle suppose avant elle cette activité, elle n’en est donc pas elle-même une condition essentielle, elle ne fait, comme on dit ordinairement, que l’accompagner. Bien plus, et c’est là le point important, il est dans la nature de cette activité de ne pouvoir être saisie par la conscience telle qu’elle est en elle-même, parce qu’étant l’activité d’un sujet elle ne peut devenir l’objet d’une connaissance adéquate. Considérons le jugement, qui est bien, comme le dit M. Desdouits (p. 89), « l’acte intellectuel dans sa forme la plus complète » : la valeur en réside non pas dans un des termes qui les composent pris à part, mais dans l’union intime de ces termes qui permet d’en affirmer le rapport. Or cet acte de synthèse où tous les éléments apparaissent comme fondus les uns dans les autres, ne peut pas être perçu par la conscience directement, dans son indécomposable unité ; une telle perception ne serait en effet que confusion et obscurité, la conscience a besoin d’isoler, de séparer, pour devenir claire et distincte. De même la richesse et la profondeur d’une idée tiennent à l’inhérence d’autres idées, qui s’en déduisent par analyse ; une conclusion n’est vraie que parce qu’elle résume, parce qu’elle contient en elle toutes les prémisses du raisonnement. L’intelligence parfaite est celle qui, dans une pensée unique, comprend une infinité de pensées. Le caractère propre de l’activité spirituelle, c’est l’intériorité réciproque des parties : toutes les idées se pénétrant les unes les autres forment sans cesse des synthèses nouvelles, qui attestent le pouvoir créateur de l’esprit. Et c’est ce caractère que la conscience laisse échapper nécessairement ; car dire que le sujet se connaît lui-même, c’est dire qu’il se connaît comme objet. L’esprit ne peut être perçu que sous la forme générale de la perception, c’est-à-dire comme une multiplicité de parties extérieures les unes aux autres, situées dans un milieu homogène qui n’est pas l’espace sans doute (car la forme de l’espace ne correspond qu’à