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Le mobile part de a. Il part, et déjà il n’y est plus ; mais au moment même où il part, il arrive en b, puisque tout intermédiaire manque. Ce n’est pas tout ; il faut qu’il soit là où il arrive, car on ne peut admettre qu’il arrive en un moment pour qu’au moment qui va suivre il se mette en devoir d’occuper le lieu qu’il a atteint.

Partir d’ici, arriver là et s’y trouver, c’est tout un dans le passage d’un lieu à un lieu sans intervalle.

On peut essayer de scander, d’après ces principes, les moments d’un mouvement composé.

Voici des lieux contigus a, b, c, d. Soit un premier temps ; le mobile aussitôt part de a, arrive en b et s’y trouve comme en sa place ; un second ; le mobile part de b arrive en c et l’occupe. Ainsi de suite. Autant d’instants, autant de mouvements élémentaires entre lesquels, eu égard à de successives ruptures d’équilibre, doivent se rencontrer des repos plus ou moins longs.

Le mouvement le plus rapide est évidemment, dans l’hypothèse, celui ou chaque instant successif est marqué par une avance, sans pause, si petite qu’elle soit, entre une avance et une autre.

Croit-on maintenant que les partisans des indivisibles absorbent le mouvement dans le repos ? Pour eux, derrière chaque position nouvelle, se rencontre un acte, et les avances successives lorsqu’elles se produisent répondent à autant de poussées du mouvement.

Ils croient, et avec raison, que, sous le phénomène et dans la réalité, acte et résultat coïncident. Si l’on veut séparer le résultat de l’acte où il a sa raison d’être, ni acte ni résultat ne s’expliquent plus.

Ce n’est donc pas avant que tel lieu soit occupé, mais au moment même où il l’est, que le mouvement véritable, le mouvement élémentaire se produit.

Quel esprit réfléchi et habitué aux spéculations philosophiques peut croire que l’effet vient après la cause, que l’acte succède à la puissance ? Le but immédiat, dans le mouvement, ne se sépare pas davantage de l’acte qui le vise, et, en le visant, l’atteint.

On s’explique, à présent, comment, dans le stade, les deux mobiles que l’on voit ou que l’on croit voir se croiser, arrivent, au moment où ils partent, en des positions où le croisement n’est plus possible.

On distingue aussi sans difficulté les deux états qui, tout à l’heure, semblaient confondus. Tel mobile arrive en l, il est actif ; tel autre a passé un instant en l’, il n’y est plus que passif. Occuper un lieu, en déployant ce qu’il faut d’énergie pour y atteindre, c’est l’occuper, si l’on ose dire, de vive force ; voilà l’occupation du premier moment. Celle du second écarte toute idée d’initiative et d’élan, c’est le simple maintien de l’équilibre et la possession sans effort.

Et maintenant, que l’on embrasse d’un coup d’œil la série des actes qui répondent, dans l’espace, aux positions successives d’un mobile, on verra que le mouvement d’où ils dépendent est plus qu’une tendance, plus même qu’un état, car un état, comme le repos, est inerte et n’engendre rien. C’est dans le mobile une énergie, et en chaque cas, un degré donné et po-