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NOTES CRITIQUES


ENCORE À PROPOS DE ZÉNON D’ÉLÉE

I
le mouvement et les partisans des indivisibles

Spatii absoluti partes, quoniam videri nequeunt et ab oculis a se invicem distingui, earum vice adhibemus mensuras sensibiles. Sic, vice locorum et motuum absolutorum, relativis utimur, nec incommode in rébus humanis. In philosophicis autem abstrahendum est a sensibus. (Newton, Princ. math.)


Un article récemment publié dans cette revue pose à nouveau le problème du mouvement. L’auteur, qui voit de haut et le domine, lui a consacré quelques pages d’une précision sévère où il semble qu’il ait fait passer, avec un sens très net des exigences les plus délicates du problème, toute la finesse aiguisée de son esprit. Le mouvement existe ; M. Noël l’affirme et n’entend pas sur ce point se séparer du sens commun ; il va même jusqu’à soutenir que c’est un principe nécessaire. Selon lui, toute expérience en résulte, et, bien analysée, en témoigne. Raison de plus pour qu’on cherche à savoir ce qu’est en lui-même le mouvement et à quelles conditions il se réalise. Zénon l’a nié. Que faut-il penser des arguments qu’il lui oppose et de cette dialectique vigoureuse autant que subtile dont on peut, par prudence, se contenter de sourire, mais qui, depuis des siècles, a lassé l’effort de ses adversaires ?

Vraisemblablement, et en dépit d’un texte assez obscur[1], les arguments du vieux philosophe répondent aux deux branches d’un dilemme où il devait se plaire à enfermer ses contradicteurs. Les deux premiers, la

  1. Voir la très remarquable étude que M. V. Brochard a consacrée à cette question et qui a pour titre : les Arguments de Zénon d’Élée contre le mouvement (Paris, Picard, 1888). Le premier, croyons-nous, M. Brochard a dégagé des arguments de Zénon une conception d’ensemble où se trouvent visés à la fois les partisans et les adversaires du continu.