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abstractions de l’économie politique étaient légitimes au même titre que celles de la physique, de l’astronomie, de la géométrie. Cet état était-il désirable ? L’économiste ne se le demandait pas ; il étudiait les fonctions réciproques de la production et de la consommation, sans chercher à découvrir, dans ce mouvement de forces vitales sans cesse dépensées et regagnées, quel était le bénéfice obtenu par l’humanité, dans quelle mesure la production créait le besoin, ou inversement le besoin, la production, et si ces besoins, ces désirs devaient, ou non, être soumis à des jugements d’approbation ou de désapprobation. Il étudiait les richesses sous le rapport de la quantité ; il ne considérait pas qu’elles comportent, en outre une qualité, déterminée par le mode d’usage, et, surtout, par le mode de répartition.

Ici encore, par conséquent, dans la réflexion méthodique sur l’objet qui s’impose le plus impérieusement à nos méditations, une lacune, un hiatus : d’une part les faits, de l’autre les principes ; aucune élaboration d’une dialectique permettant de justifier les principes par les faits, de juger les faits par les principes, et qui ne serait autre chose qu’une morale rationnelle. Une division arbitraire du travail a produit ce qu’elle devait produire : les uns se sont attachés aux pures données de l’expérience, en s’interdisant d’en tirer un système de la pratique, résignés par avance à la lente et fatale évolution des choses ; les autres rêvent de faire pénétrer de force dans les faits les principes rudimentaires, nés de leur imagination et de leurs besoins : sociologie positiviste ou socialisme matérialiste, il sera difficile d’échapper à cette alternative tant que la philosophie se refusera à examiner les conditions du développement de l’esprit dans la nature, tant que l’économiste se refusera à chercher la signification spirituelle et la valeur morale de la vie.

Les considérations précédentes semblent justifier, en principe, la nécessité de l’existence d’une chaire de Logique et d’une chaire de Morale ; on en conclura donc qu’il convient, en fait, de les fonder toutes deux, si l’on est assuré qu’elles puissent effectivement être remplies : car entre une science et une chaire il y a un moyen terme qui n’est pas négligeable : le savant. Pour trouver dans un ordre déterminé de connaissances philosophiques un savant capable de donner un enseignement solide et fécond, il faut que les problèmes en aient été agités, non pas seulement dans des travaux tout spéciaux, et à titre de curiosités, mais comme des questions vivantes,